Une partie des magasins Mega World de Bruxelles et de Wallonie sont restés fermés aujourd’hui pour le cinquième jour de suite. Huit mois seulement après le rachat des 126 magasins Blokker belges par le très controversé Dirk Bron, la santé financière de l’enseigne est désastreuse. Accusé de fraude et d’escroquerie dans son pays, l’homme d’affaire va aujourd’hui solliciter l’aide de la justice. Les travailleuses et travailleurs sont inquiets et exigent des explications.
Début de semaine, c’est spontanément que plusieurs travailleuses et leurs représentantes syndicales se sont rendues jusqu’à Lierre, où siège leur entreprise, pour tenter de discuter avec leur direction, en vain. Depuis des années, elles vivent une véritable saga infernale. Après la fermeture de 63 magasins Blokker en 2017, après de nombreux changements de directeurs et après le rachat en début d’année de l’ensemble des magasins belges et luxembourgeois par un patron au passé trouble, c’est la faillite que certaines craignent aujourd’hui.
Nous avons rencontré Laurence, une travailleuse, déléguée syndicale chez Mega World. Avec ses collègues, elle se bat pour avoir de la transparence et du respect.
Vous avez commencé à travailler chez Blokker en 2002. Quelle a été l’évolution de Blokker Belgique tout au long de vos 18 années de carrière ?
Laurence. Au début, Blokker, ça marchait à fond ! On était une quinzaine de vendeuses en magasin, une grande majorité de femmes. Le jour et la nuit avec la situation actuelle. En 2017, on a appris par la presse que Blokker avait décidé de fermer 69 magasins. C’était très dur à encaisser. Depuis le début de ma carrière j’avais travaillé dans quasi tous les Blokker de Bruxelles, je connaissais au moins une vendeuse de chacun de ces magasins. Je m’inquiétais pour notre sort à toutes. On s’est retrouvées en plan Renault. En tant que déléguée, j’ai vécu cette période intensément. On avait des réunions toutes les semaines. L’ambiance était pesante, mais on ne voulait rien lâcher. On s’est battues pour obtenir un maximum. On a réussi à sauver 6 magasins, on a obtenu un plan social qui prévoyait des départs à la prépension à 56 ans et des primes de licenciement aux employés qui quittaient l’entreprise spontanément. Les négociations étaient dures mais on s’est bien battues.
Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Laurence. Ça a été très prenant, je suis fière de ce qu’on a réussi à obtenir. Tous les délégués étaient soudés, quelle que soit leur couleur syndicale ou leur langue maternelle. Mais je dois dire que c’était une année éprouvante. J’en ai gardé des séquelles, la peur que ça se reproduise. On n’est pas toutes jeunes, pas facile de retrouver un emploi à nos âges. Donc l’inquiétude reste, même si la direction nous répète que ça va aller, que les chiffres vont remonter.
Ensuite il y a eu le rachat. Expliquez-nous.
Laurence. Les 129 magasins ont été rachetés en février 2020. Un mois plus tôt, la direction nous disait encore que tout allait bien alors que dans la presse, on parlait déjà de rachat. On ne nous communiquait aucune information. Des collègues, fouillait le moindre article qui nous en apprendrait un peu plus. Un jour, on nous a présenté à notre nouveau patron, Dirk Bron. On était plus méfiantes que jamais. On avait lu des articles sur lui. On savait qu’il avait des problèmes avec la justice néerlandaise. On connaissait ses méthodes douteuses, il avait déjà plusieurs faillites à son actif, dont Superconflex dont la faillite avait été prononcée quelques mois après son rachat par Bron. Notre nouveau patron était aussi accusé d’escroquerie, de blanchiment d’argent… Rien de rassurant.
Il nous a annoncé qu’on changerait de nom, on allait devenir Mega World et vendre des produits un peu différents. La transition devait se faire petit à petit. Puis le Covid est passé par là, on s’est retrouvées en chômage économique. Le 11 mai, à la réouverture, des ouvriers étaient occupés à changer les enseignes du magasin. Ça m’a fait un choc après 18 ans de carrière Blokker.
Quelles sont les perspectives pour Mega World selon vous ?
Laurence. « Il y a des perturbations dans nos finances mais ça sera résolu cette semaine », c’est ce qu’a déclaré Dirk Bron. Mais moi je vois la marchandise qui n’arrive plus en magasin. Après le confinement, je voyais arriver parfois 20 palettes de marchandises par jour. Là, on approche de la période Halloween, Saint-Nicolas et Noël et nous ne recevons aucun produit de fête. Ça ne me rassure pas. Et la direction persiste dans son silence. Nous travaillons dans nos magasins depuis parfois 30 ans ! On devrait être mises au courant.
Quand on a appris que les finances étaient floues et que Bron allait demander d’être protégé de ses créanciers, on s’est toutes décidées. On a décidé de partir en grève spontanée et d’interpeller Dirk Bron où il était pour lui demander des explications. On ne les a pas eues. A la place, on a continué à faire grève. Les magasins de Bruxelles et de Wallonie sont restés portes closes. On veut de la transparence, on veut des réponses, on veut savoir si on doit commencer à chercher un autre boulot, on veut connaître nos droits en cas de faillite. On veut montrer qu’un patron n’a pas à traiter ses travailleuses comme ça.
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Message de Nadia Moscufo, députée PTB et ancienne caissière chez Aldi : « Je tiens à féliciter toutes les travailleuses et travailleurs qui luttent pour le respect et la transparence. Ils peuvent compter sur tout le soutien du PTB. Lors du rachat des 129 Blokker, nous étions déjà allés rencontrer les travailleuses inquiètes du profil de leur nouveau patron, le mystérieux Dirk Bron. Ce sulfureux homme d’affaire n’en est pas à ses débuts les affaires douteuses. Il est déjà poursuivi dans son pays et ça ne l’a pas découragé dans ses pratiques douteuses ici. Le tribunal économique de Maline a ouvert une enquête. Si une fraude est découverte, nous demandons que des sanctions soient prises envers ce récidiviste. Nous demandons également que les travailleuses et travailleurs soient informés au plus près de leur avenir. Les travailleuses et les travailleurs ont droit à des réponses ! »