
Austérité à Bruxelles : de l'argent pour la guerre, pas pour se loger
Françoise De Smedt, cheffe de groupe du PTB au Parlement bruxellois, a dénoncé pendant les discussions budgétaires les politiques d’austérité, ouvertes ou déguisées, imposées aux Bruxellois·es. Celles-ci affectent directement les services publics, les associations, et les conditions de vie de milliers de familles. Dans un contexte de définancement organisé, aggravé par les politiques fédérales du gouvernement “Arizona”, Françoise De Smedt rappelle l’urgence de défendre les moyens de la Région et de cesser les cadeaux aux lobbies de la guerre et aux grandes entreprises. Retrouvez ci-dessous l’intégralité de son intervention.
Nous sommes donc à nouveau appelés à voter un budget sous forme de douzièmes provisoires pour la Région bruxelloise. C’est la 3e fois cette année, et ils doivent donc couvrir les mois de juillet à septembre.
Si nous votons un budget en 12e provisoires et pas un budget complet, c’est en raison de l’absence de gouvernement de plein exercice. Et le gouvernement en affaires courantes n’aurait soit disant pas la légitimité politique, ni une majorité parlementaire suffisante, pour effectuer des choix budgétaires.
Pourtant, des choix il en a déjà fait, en prenant plusieurs mesures austéritaires qui ne disent pas leur nom.
D’une part, ce gouvernement applique depuis cette année des mesures conservatoires de 15 % sur les budgets facultatifs destinés aux associations. La population bruxelloise est pourtant en partie fortement dépendante du travail des centaines d’associations concernées, dont les travailleurs et travailleuses effectuent bien souvent des missions de service public tant bien que mal, malgré le sous-effectif et le manque de moyens ; ces mesures conservatoires ont déjà des effets et des emplois dans ces associations sont en péril, quand ce ne sont pas les associations elles-mêmes qui risquent de devoir fermer. Les budgets facultatifs ne sont pas facultatifs dans les faits. Ces budgets sont au contraire vitaux pour la société civile, leur fonctionnement, leur capacité à rendre des services et à être garant de la cohésion sociale de notre Région.
D’autre part, ce gouvernement en affaires courantes a déjà mis en place plusieurs mesures d’austérité au cours des deux années précédentes. On peut citer le moratoire dans la fonction publique : monsieur le ministre vous avez estimé que ce moratoire sur les recrutements imposé depuis le 1er décembre 2023 avait engendré une non-dépense de 25 millions d'euros directement liée aux 517 mouvements de personnel qui n'ont pas eu lieu en raison de cette mesure. À cela s'ajoutent 844 départs non remplacés jusqu'à présent, soit une économie de quelque 35 millions d'euros. Des restrictions ont également été imposées à la STIB au cours du mandat précédent : une économie de 5 % avec des conséquences immédiates sur les agents et les usagers, ainsi qu’une diminution des fréquences sur plusieurs lignes de bus. Cela impacte également la qualité du matériel roulant, comme l’ont montré les très nombreux incidents survenus dans les vieilles rames de métro de plus de 50 ans ces dernières semaines. Et il y a évidemment le fameux plan “Optiris”, qui a coupé 60 millions dans les services publics bruxellois, avec des effets néfastes pour leur fonctionnement comme l’a dénoncé la directrice d’Actiris dans ce Parlement. Tout cela a un impact très concret à la fois sur les agents de la fonction publique et aussi sur la population bruxelloise, déjà aujourd’hui. Ce n’est pas indolore, déjà aujourd’hui.
Enfin, ces derniers temps, monsieur le ministre, vous avez ajouté envisager une économie de près de 500 millions pour l’année 2025 : “On a constaté l'an dernier qu'une masse de 472 millions d'euros inscrite au budget n'a pas été dépensée. On peut partir du principe que cela ne sera pas nécessairement dépensé en 2025. Le comité de prudence budgétaire a commencé à examiner cela ligne par ligne pour voir où il est possible de le faire et où il y aura une exception.” mais quand on vous demande concrètement de quels postes il s’agit … des réponses floues sortent.
Et comme souvent la droite appelle les marchés financiers à la rescousse pour vouloir imposer les politiques austéritaires et dénoncent un imposant déficit budgétaire de la Région bruxelloise. De fait, la Région bruxelloise dépense environ 1,5 milliard en plus que ses recettes, oui c’est vrai et on doit trouver des solutions. Mais ces partis de droite qui agitent les marchés financiers et veulent appliquer une austérité dure, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité, puisque pour rappel ce sont les mêmes qui ont réussi à dégrader la note de la Belgique et qui aggrave et pas un peu le déficit fédéral, j’y reviendrai plus tard…
Mais revenons à nos moutons, ce déficit bruxellois rappelons-le, il est aussi organisé structurellement depuis le niveau fédéral et ce depuis des années. Les dernières réformes de l’Etat belge ont transféré de nouvelles compétences aux régions sans que les moyens financiers transférés soient à la hauteur, ce qui est particulièrement vrai pour Bruxelles. N’oubliez pas non plus que Bruxelles produit de la richesse à hauteur de 18% du PIB belge mais est très mal récompensée en retour, de manière injuste.
Et cette situation structurelle est sur le point de s’aggraver lourdement du fait du gouvernement fédéral “Arizona” :
- La réforme du chômage va pousser des milliers de familles dans la précarité. 40.000 Bruxellois sont concernés, et on estime que 60% d’entre eux devront se tourner vers les CPAS, faisant exploser leur charge financière de 90 à 120 millions d’euros par an. Vous le savez tous, nos CPAS sont à bout, ce serait de la folie de les étrangler encore plus et nos communes avec ;
- la réforme fiscale, soi-disant pour aider les travailleurs, va en réalité priver les communes bruxelloises de 43 millions d’euros par an, sans parler du vide qui se fera aussi au niveau de la région ;
- Aussi l’Arizona prévoit de diminuer le fonds Beliris de 75 millions d’euros sur la législature. C’est pourtant un financement crucial pour les infrastructures et les services publics.
Dans ce cadre, au lieu de se déclarer prêts à défendre la nécessité de lutter contre le définancement de la Région bruxelloise par l’Arizona, certains partis acceptent ce définancement et se disent aussi prêts à appliquer davantage d’austérité, en coupant, sabrant, en agitant le spectre des réformes dures, allez on va sabrer dans Bruxelles!
Sauf que ce qu’on voit c’est que ces mêmes partis dilapident les milliards pour des chars, des armes, des avions de guerre au fédéral. Pour passer à 3,5% de dépenses de défense pure, pour obéir à Trump et à l’OTAN, pour la guerre, au lieu de chercher la paix. Est-ce qu’on se rend compte ? 3,5% du PIB! ça va monter à plus de 20 milliards de dépenses par an! ça va faire exploser le déficit au fédéral et après vous allez encore nous dire qu’il n’y a pas d’argent pour Bruxelles ? Qu’il faut couper encore l’argent qui arrive jusqu’à Bruxelles et qui est insuffisant ? Que les Bruxellois vont devoir se serrer la ceinture sur leurs services publics? Moins de STIB, moins de propreté, moins d’Actiris? Vous allez encore nous dire que les ménages bruxellois vont devoir payer des taxes et des tarifs plus élevés? Comment vous pouvez vous regarder dans le miroir et vouloir imposer ça aux ménages bruxellois pour des chars, des armes, des avions de guerre, alors que ce qu’ils demandent c’est de résoudre la crise du logement, ce que les ménages bruxellois demandent ce sont plus de logements abordables, payables, pour vivre en paix, PAS DES ARMES ! 1 milliard c’est 4000 logements sociaux de qualité en plus ou 8 avions de chasse. Avec le PTB on choisit clairement la camp de la paix et des 4000 logements sociaux.
A ce jeu-là, MR Engagés Vooruit NVA CD&V, vous remportez la palme! Si vous décidez du jour au lendemain de dépenser plusieurs dizaines de milliards en plus pour acheter des armes dont on n’a absolument pas besoin, arrêtez de dire qu’il n’y a pas d’argent! Arrêter de dire que refinancer Bruxelles n’est pas possible!
Et arrêtez aussi de vous en prendre toujours aux plus faibles. En supprimant les allocations familiales des étudiants étrangers par exemple. Parce qu’aussi vous commencez avec eux, mais après ce sera qui?
Alors oui il faut résoudre ce déficit, personne ne dit le contraire, mais pas question que ce soit sur le dos des travailleurs et travailleuses. Et oui il est possible aussi de faire des économies là où ça ne fait pas mal aux ménages.
Premier exemple: c’est un véritable festival d’horreurs que vous voulez imposer à la population bruxelloise, tout ça assis au chaud dans les parlements et les cabinets ministériels… Mais pendant que vous voulez imposer l’étranglement de Bruxelles et de ses ménages, vos salaires n’ont toujours pas baissés eux, même pas des 5% promis, que dalle, nada, rien. Et on apprend en plus la semaine dernière que même les ministres bruxellois peuvent bénéficier de privilèges logement, 400 euros d’aide pour le logement et 1250 de frais de domesticité. Des privilèges introduits à l’époque d’un Ministre Président MR! Mais est-ce qu’on se rend compte? Des privilèges pareils dans une région où les ménages se crèvent pour payer des logements beaucoup trop chers? Mais quelle indécence! Ces privilèges doivent être supprimés point barre. Alors oui on va redéposer aussi un amendement budgétaire pour appliquer la baisse de 5% maintenant! S’en est assez des promesses qui ne se concrétisent pas. Tous les partis ont dit être d’accord sur cette mesure, alors n’attendons pas et appliquons-là!
Autre exemple, les 360 millions d’euros dépensés pour payer des firmes privées de consultance pour qu’elles fassent du boulot que les administrations pourraient faire en interne, là il y a moyen de récupérer de l’argent. Pourquoi c’est pas sur ce poste là que des mesures conservatoires sont prises? Au lieu de couler la société civile.
Autre exemple encore: arrêter de laisser les multinationales de la construction en charge des grands projets comme le métro 3 décider de faire exploser les coûts dans une opacité complète.
Et j’en passe…
Nous ne voulons pas de l’austérité violente que le MR et d’autres veulent imposer aux Bruxelloises et aux Bruxellois. Nous nous battrons toujours contre ce projet de la misère pour la majorité, au profit d’une minorité. Nous ne soutenons pas non plus l’austérité qui ne dit pas son nom appliquée par le gouvernement en affaires courantes. Mais nous nous abstiendrons lors du vote de ce budget pour éviter que les administrations et associations bruxelloises soient pénalisées, comme nous l’avons déjà fait à deux reprises.