Ça fait 7 ans que les chauffeurs bruxellois demandent au gouvernement de se pencher sur leur situation. 7 ans que le gouvernement bruxellois laisse pourrir la situation, laissant ainsi un boulevard énorme pour les multinationales Uber et Heetch. Le gouvernement bruxellois a laissé se dégrader les conditions de travail de tous les chauffeurs. La conséquence de cette inaction a eu pour effet d'opposer ces travailleurs entre eux. Ce sont les travailleurs, qu’ils soient taximen ou chauffeurs de ces plateformes, qui paient les pots cassés des hésitations et contradictions du gouvernement bruxellois.
Il est plus que temps de prendre des mesures fortes pour donner au secteur taxi une véritable place dans les politiques de mobilité. Le secteur du taxi est une partie de la solution pour diminuer le nombre de voitures individuelles. Il faut prendre des mesures fortes pour mettre dehors Uber et Heetch, ces multinationales qui exploitent les travailleurs sans payer le moindre impôt dans les pays où elles sévissent. Il est tout aussi nécessaire de prendre des mesures contre les intermédiaires qui font du profit sur le dos des travailleurs, comme les centraux téléphoniques. Il faut que tous les chauffeurs travaillent dans des conditions décentes et que les consommateurs soient protégés. Et cela passe par une politique de mobilité qui donne une véritable place à ces chauffeurs.
Nous pouvons nous inspirer de l’exemple de Barcelone.
La combativité des chauffeurs a permis de mettre hors de Barcelone Uber, qualifié “d'ennemi public”. Barcelone peut se prévaloir d’un secteur taxi dynamique offrant un grand niveau de satisfaction aux usagers et une réglementation très stricte à l’égard d’Uber&co, grâce à la lutte continue des taximen qui ont exigé et obtenu du gouvernement de Barcelone des mesures fortes contre Uber&Co.
Dès son arrivée en Espagne en 2014, Uber pratique une concurrence déloyale et un dumping social et commercial. Le secteur taxis craint une concurrence fatale [1]
. Les taximen entament un long combat fait d’actions sociales et d’actions judiciaires portées par trois syndicats professionnels de taxis de Barcelone.
Plusieurs décisions judiciaires ont été rendues partout en Europe contre Uber à l’issue de procès très coûteux. Les décisions obtenues en Espagne contre Uber ont souvent été plus loin que les procès belges [2]
. Pourtant, toutes ces décisions judiciaires restent sans réels effets s’il n’y a pas une réelle volonté politique d’empêcher Uber de sévir. On va voir qu’à Barcelone, c’est la pression mise par les taximen et la politique menée par la maire de Barcelone qui ont permis de gagner une bataille contre Uber.
L’Espagne adopte rapidement une réglementation particulièrement stricte pour les véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC), prisé par Uber&co : quota de 1 VTC pour 30 taxis, obligation de posséder au moins sept véhicules, interdiction de maraude, mise à disposition d’au moins deux conducteurs pour trois véhicules, inscription à la Sécurité sociale à temps complet, obligation de disposer d’un local dédié pour garer les véhicules.
Malgré tout, Uber continue à sévir. Les taximen mènent des actions massives pour faire dégager la multinationale Uber et son équivalent espagnol Cabify : Manifestations, grèves des taximen, opérations escargots, blocage d'évènement, blocage d’autoroutes,.... Fin janvier 2019, ces actions dureront 6 jours, bloquant complètement Madrid et Barcelone.
Les réactions vont être très différentes dans ces deux villes.
Le président libéral-conservateur de la région de Madrid, Angel Garrido, va refuser la plupart des demandes des taxis. Il ne prendra aucune mesure contre Uber&co pour ne pas les froisser.
A Barcelone, la municipalité de gauche radicale prend une direction opposée, estimant qu’il s’agit d’une véritable question de mobilité publique : la maire de Barcelone Ada Colau répond aux revendications des taximen et impose des normes encore plus strictes à Uber&co : obligation de réserver un véhicule avec chauffeur minimum 1 heure à l’avance, obligation de retourner à la base des véhicules entre chaque course, dans l’attente de la prochaine réservation, interdiction pour ces véhicules d’être géolocalisés sur les applications,....[3]
Résultat : Ce n’est plus rentable pour Cabify et Uber, qui quittent Barcelone en février 2019.
Barcelone : secteur taxi de qualité, dynamique et compétitif
Cette lutte contre la concurrence d’Uber&co a été possible également parce que Barcelone considère le secteur du taxi comme un véritable acteur de la mobilité barcelonaise, géré par un organisme public autonome de la métropole de Barcelone, l'Institut Métropolitain de Taxis (IMET), avec un organe élu représentant le secteur du taxi, le Bureau technique du taxi. . Le taxi règne en maître à Barcelone et tout est fait pour favoriser son accès par les usagers : les taxis se commandent avec un smartphone, on peut connaître le prix de la course à l’avance ainsi que l’identité du chauffeur. Il y a un gros effort de visibilité : tous les renseignements utiles aux taximen et aux usagers se trouvent sur la page internet de la métropole de Barcelone [4]
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Les taxis barcelonais ont un tarif très compétitif, en moyenne 35% moins cher qu’à Bruxelles . Le taxi barcelonais peut surtout se vanter d’un excellent rapport qualité/prix. Déjà en 2011, lors d’un test effectué dans 22 villes par l'Adac, la fédération automobile allemande, Barcelone était sortie grand vainqueur avec un score de 84,61% : propreté du véhicule, qualité du service, respect de la réglementation, prise de la route la plus courte/rapide par le chauffeur, factures correctement établies, chauffeurs serviables (aident à charger et décharger les bagages, donnent des recommandation de restaurants et attractions). Bruxelles quant à elle est à la 13ème place avec un “tout juste suffisant”[5]
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Si Uber n’a pas réussi à s’implanter à Barcelone, c’est aussi parce qu’il y a des taxis partout dans la ville : on compte 7 taxis/1.000 habitants alors qu’à Bruxelles, il n’ y a qu’1 taxi/1.000 habitants [6]
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Et Barcelone continue sur sa lancée. D’ici juin 2021, la mairie de Barcelone met en place une application publique de la métropole, soit un outil interactif et convivial semblable à celui d’Uber mais régulé par l’administration publique.
2021 : tentative de retour d'Uber dans la capitale catalane
La lutte contre Uber n’est pas finie. Uber profite de la crise du coronavirus pour revenir à la charge avec cette fois une application destinée aux chauffeurs de taxi. La multinationale profite de la détresse des taximen fortement touchés par la crise : pour les inciter à utiliser sa nouvelle application, Uber leur propose des réductions sur l'essence et 900 euros pour porter sur leur véhicule une publicité Uber pendant trois mois. "Ils essaient de capturer le chauffeur de taxi dans une situation critique", déclare Luis Berbel, du syndicat des taxis de Catalogne, qui estime que ce que veut Uber, c'est "s'emparer de la bonne volonté du taxi". "Il va (...) d'abord, facturer des commissions peu élevées, puis les augmenter une fois qu'ils ont le marché", argumente-t-il [8]
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Uber se vante d’avoir recruté 350 chauffeurs de taxi pour la nouvelle application. En réalité, 8 jours après son lancement, son application ne compte que 48 taxis enregistrés [7]
. Cet impact très faible est dû à la mobilisation immédiate du secteur taxi. Ce 18 mars 2021, des centaines de taxis ont à nouveau défilé dans le centre de Barcelone pour protester contre le retour d'Uber dans leur ville. Alors qu’Uber tente de diviser les chauffeurs taxi entre eux, on voit l'importance de l’unité et la solidarité des chauffeurs pour lutter contre ces monstres sans scrupules que sont Uber&co.
L’administration barcelonaise procède depuis à des contrôles des 48 taxis ayant cédé à l’application Uber : il apparaît déjà clairement que cette application contournent la réglementation taxi pour brader les prix et ne plus utiliser le taximètre.
Tito Alvarez, le syndicaliste qui tire cette bataille contre Uber depuis le début averti :"Nous allons être très attentifs, parce que si Uber entre illégalement, nous allons tout arrêter, nous allons appeler à des mobilisations très sérieuses et fortes et nous verrons jusqu'où cela va aller". Et d'ajouter : "Nous ne permettrons pas à cette entreprise de venir ici pour faire ce qu'elle veut” [7]
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Envie d'en savoir plus
Participez au webinar le dimanche 25 avril à 16 heures, avec Tito Alvarez, porte-parole du syndicat Elite Taxis Barcelone et leader de la lutte des taxis barcelonais et Youssef Handichi, député PTB au Parlement bruxellois
Via zoom ou facebook live sur la page du PTB Région Bruxelles Capitale
[1] https://www.cairn.info/revue-chronique-internationale-de-l-ires-2019-4.htm
[2]P.ex. en Espagne, les taximen ont demandé l’interdiction de la commercialisation de l’application Uber et le blocage des transferts d’argent. Cela n’a pas été demandé en Belgique.
http://www.emulation-innovation.be/uber-2-droit-de-la-concurrence-et-concurrence-deloyale-feat-fabienne-vande-meerssche/ (10 novembre 2016) https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/fr/object/thesis%3A8941/datastream/PDF_01/view
[3]
https://lepetitjournal.com/barcelone/actualites/menaces-barcelone-uber-et-cabify-resistent-madrid-248776
https://taxi.amb.cat/en/actualitat/noticies/detall/-/noticiataxi/aprovada-la-reglamentacio-sobre-les-condicions-d-explotacio-dels-vtc/7723026/956832
[4] https://taxi.amb.cat/home
[5]
https://brf.be/national/271062/
https://www.finanznachrichten.de/nachrichten-2011-10/21552681-adac-taxitest-2011-jeder-zweite-fahrer-durchgefallen-muenchen-beste-deutsche-stadt-im-europaeischen-vergleich-007.htm
[6]
https://www.rtbf.be/info/monde/detail_barcelone-la-grande-ville-d-europe-qui-a-su-resister-a-uber?id=10712729
[7]https://www.eldiario.es/catalunya/barcelona/48-taxis-tercio-expedientados-deslucido-regreso-uber-barcelona_1_7337108.html