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Budget 2024 : austérité pour les services publics, des millions pour les boîtes de consultance

Budget 2024 : austérité pour les services publics, des millions pour les boîtes de consultance

Le gouvernement bruxellois décide de couper 150 millions € dans les services publics, au moment où on apprend qu'il dépense des centaines de millions en frais de consultance. En bref : moins de STIB et toujours plus de Deloitte… Les travailleuses et travailleurs bruxellois ne veulent pas de cette austérité. Il est temps pour une vraie rupture de cette politique qui favorise le portefeuille des gros promoteurs et des cabinets de consultance sur le bien-être des Bruxelloises et Bruxellois. Ci-dessous le discours adressé par Françoise De Smedt, cheffe de groupe PTB au Parlement bruxellois, au ministre bruxellois du budget Sven Gatz (Open vld) lors du vote du budget 2024 de la Région bruxelloise.

Monsieur le Ministre,

En 2019, ce gouvernement se déclarait “le plus progressiste du pays”. Les masques sont bien sûr tombés depuis. Mais on doit admettre que pour ce dernier budget de la législature, vous ne faites même plus semblant d’essayer de les remettre. 

Car ce gouvernement va donc imposer l’austérité aux travailleuses et travailleurs bruxellois. 150 millions de coupes directes, et ce n’est qu’un début, des coupes entre 3 et 10% dans toutes les administrations et services publics, je me permets de traduire : ça s’appelle bien “l’austérité”. Cette même austérité contre laquelle PS et Ecolo appelaient pourtant à manifester il y a 3 jours à peine. Mais de qui vous moquez-vous ? 

Nous venons de passer un mois à examiner ce budget et nous avons pu entendre chaque membre du gouvernement répéter qu’il allait notamment réduire les dépenses de personnel de 3% dans toutes les administrations et services publics. Ce sera aussi 20 millions de subsides en moins aux CPAS. Les syndicats alertent qu’il pourrait s’agir de 200 emplois menacés alors que les travailleurs des CPAS sont déjà sous l’eau. Jeudi dernier, dans ce même hémicycle, les travailleurs des services publics ont dénoncé leur déjà sous-financement avant même que les coupes débarquent. Et on lit Ecolo sur les réseaux sociaux dire mardi qu’il faut “investir dans des services publics accessibles” ? Je n’oserais pas parler d'hypocrisie, mais ça me démange.

Votre gouvernement s’apprête donc à sabrer dans les services publics bruxellois. Pour rappel, l’austérité dans les services publics, ça signifie d’abord moins d’emplois de qualité, dans une Région où le chômage est important. Ça signifie ensuite des conditions de travail dégradées pour les travailleurs de ces services publics. Et c’est surtout le gage d’un service dégradé pour toute la population bruxelloise. Votre austérité va aggraver le naufrage du bateau qui est déjà en train de couler depuis des années. 

Par ailleurs, on sait où mène ce genre de politiques. Ce sont les partis de droite qui doivent se réjouir : vous commencez par donner moins d’argent aux services publics, puis vous allez vous plaindre qu’ils ne fonctionnent pas bien. Vous allez alors prétendre qu’il faut passer par la solution miracle : la privatisation d’une manière ou d’une autre. Et là la droite est contente. Hors de question pour nous d’aller dans cette direction, c’est le meilleur moyen d’encore aggraver la situation des travailleurs.

Madame Van den Brandt nous a assuré en examinant le budget qu’il n’y aurait pas de réduction de l’offre de transport en 2024, malgré les coupes. Encore heureux ! Mais à côté de ça, ce sont les travailleurs qui vont trinquer : 3% d’économies sur le personnel, c’est par exemple des départs à la retraite qui ne sont plus remplacés ou des fonctions qui seront assurées par moins de travailleurs. Est-ce que ce sont les agents chargés d’assurer la sécurité des voyageurs, en particulier en soirée, qui vont disparaître ? Ou est-ce que vous nous promettez moins de guichet physique et d’agents pour aider les gens qui galèrent avec le numérique à renouveler leur abonnement ? 

En parlant de guichets : difficile de ne pas évoquer la lutte des plus de 200 associations bruxelloises et leurs usagers contre le plan Bruxelles numérique du  ministre Clerfayt. Où sont les moyens pour renforcer les guichets physiques dans les administrations, où sont les moyens pour renforcer les Espaces Publics Numériques, monsieur le ministre ? Comment empêcher que cette Région ne devienne encore plus un enfer administratif pour près de 40% de Bruxellois qui ne maîtrisent pas ou peu le numérique quand ils ont besoin d’un document ? Et là où cela rejoint ce que je disais juste avant: vous avez évoqué la sous traitance des services publics numérisés pour aider les gens. Mais ce n’est pas de cela dont la population a besoin mais de services publics renforcés. L’argent public doit servir au public. 

L’austérité, ce sont aussi les travailleurs des sociétés de logements sociaux, les SISP, qui vont la sentir passer, Madame Ben Hamou. Vous avez beau les ignorer depuis des mois, ils étaient encore devant le Parlement la semaine passée pour dénoncer les effets du manque d'investissements et de personnel. Leurs conditions de travail sont aujourd’hui de plus en plus compliquées et ce budget ne va pas les aider à sortir la tête de l’eau. Il manque cruellement de travailleurs sur le terrain. Vous condamnez le personnel à travailler toujours plus dur.

Je ne vais pas lister toutes les coupes prévues dans ce budget, mais je dois tout de même mentionner Bruxelles-Propreté et les plans du ministre Alain Maron. Vous avez augmenté la charge de travail des agents de Bruxelles Propreté, avec les collectes de sac orange et les tournées en soirée. Il va aussi falloir du monde en plus pour gérer les futurs recyparks. Il va y avoir plus de travail, mais on voit que vous coupez 2 millions dans les frais de personnel. Un manque de logique que les syndicats soulignent clairement : pour que la réforme des collectes réussisse, ils ont besoin de renforts et d'équipements supplémentaires. On peut déjà constater le bilan de votre politique du “faire plus avec moins” : des congés reportés, des agents qui doivent porter davantage de poids par tournée, la direction de Bruxelles-Propreté a déjà supprimé un employé par camion, le personnel des "voitures balais" qui nettoient après les collectes a été réduit, et des tournées ne sont pas effectuées faute de "personnel, d'équipement ou de temps". Même la Cour des Comptes dit que vous marcher sur la tête…

J’interromps ici la liste des horreurs pour souligner qu’il y a eu malgré tout une raison de se réjouir dans les derniers jours. Votre gouvernement a en effet su entendre raison et est revenu sur la décision incompréhensible d'augmenter les tarifs de la STIB en 2024. Il faut croire qu’avec un peu de pression, les bons arguments finissent parfois par rentrer. C’était une mesure incompréhensible : dans une ville aussi embouteillée que Bruxelles, qui peut croire qu’on va aider les gens à se passer de leur voiture en rendant les alternatives plus chères ?

Fin de la parenthèse positive. Parce que, comme on le soulignait déjà lors de la déclaration de politique générale de Rudi Vervoort en octobre, tous les prix explosent à Bruxelles. Vous avez laissé le prix de l’eau augmenter de près de 30% en 2 ans. Et par votre refus d’agir, le loyer moyen est à 1.150 € par mois. Il y aussi les frais de stationnement qui sont en hausse, le précompte immobilier des petits propriétaires qui a explosé, et puis tout ce que vos partis, présents au gouvernement fédéral, refusent de bloquer, comme les prix de l’alimentaire ou ceux de l’énergie. 

Les politiques que vous menez depuis des années ont un bilan. Avec ce gouvernement, Bruxelles est passée de 1 personne sur 3 au seuil de risque de pauvreté à 40% de la population, et cela seulement en quelques années. Et votre budget d’austérité va augmenter encore les inégalités dans la Région avec ses coupes dans les services publics. Est-ce qu’on peut s’arrêter quelques secondes pour y penser ? Faire pire que 40% de la population au seuil de risque de pauvreté ? C’est hors de question, il faut stopper cette hémorragie. 

Je l’ai dit : l’austérité, c’est mauvais pour l’emploi, pour les travailleurs et au final pour tous les bruxellois et les bruxelloises. Ce qui la rend encore plus insupportable, c’est qu’on constate année après année que, pour vous, ce sont toujours les mêmes qui doivent se serrer la ceinture. Mais que par contre il y a en a d’autres pour qui les coupes ne sont jamais prévues, que du contraire. 

Je pense au Win for Life, ce privilège des salaires mirobolants assurés à vie aux grands directeurs de l’administration, que vous aviez promis de supprimer au plus vite une fois le scandale révélé dans la presse. Sauf qu’il reste 5 ans de plus au final. La presse exposait hier la grave dépendance de ce gouvernement aux frais de consultance et en particulier à Deloitte. Vous leur avez versé plus de 100 millions en 4 ans et c’est sous-estimé ! Le problème est généralisé dans ce gouvernement : chaque année entre 30 et 40 millions sont engloutis par la ministre de la mobilité en frais de consultance. 145 millions sur la législature rien que pour la STIB! Et monsieur Gatz n’est pas en reste, avec plusieurs millions partis en frais de consultance, toujours chez Deloitte, pour la taxe kilométrique alias Smartmove. Pour ça vous avez de l’argent! Pour engraisser les grosses boîtes de consultance, pas de problème, l’argent public coule à flot. 

Cette fameuse taxe kilométrique Smartmove, parlons-en. Soi-disant, le PS et le ministre-président seraient contre cette nouvelle taxe qui va vider la poche des travailleurs bruxellois et des navetteurs. Sauf que. Non seulement votre gouvernement a déjà dépensé plus de 33 millions pour la mise en place de cette taxe, entre les caméras qui vont surveiller tous nos déplacements et les 15 millions de frais de consultances pour Deloitte, mais en plus vous avez de nouveau prévu de dépenser 12 millions dans le budget 2024 pour Smartmove. Pour ça aussi l’argent public coule à flot!

Les portefeuilles des cabinets de consultance ne sont pas les seuls où ce gouvernement s’amuse à gaspiller l’argent public. N’oublions pas les barons du béton, vos grands amis. On voit avec le projet du métro 3 comme vous cédez au consortium privé qui voit des millions d’argent public arriver dans sa poche sans que lui ne doive rien débourser quand des problèmes surviennent, tout ça dans une opacité totale. Le coût du projet a doublé, la date de fin des travaux est repoussée de plus en plus, sans que nous n’ayons aucune clarté sur ce qui se passe. En attendant, Jan de Nul et Besix se frottent les mains, en vous remerciant. Et je ne vous parle pas du projet Kanal, qui va engloutir plus de 200 millions également dans les 4 ans à venir. Les millions d’argent public engloutis dans Néo tout ça pour n’aboutir à pas grand chose jusqu'à maintenant et dont les esquisses du projet ne répondent pas aux besoins des habitants mais à ceux des barons du béton.

Comme vous voyez, d’autres choix politiques que de couper dans nos services publics, il y en a. Je pense encore aux subsides que vous donnez chaque année à une entreprise liée de près à la colonisation des territoires palestiniens. Solvay a déjà reçu plus de  3 millions de votre part sous cette législature. Comme le rappelaient encore dans la presse le CNCD, la CNE et la CSC cette semaine, Solvay notamment est impliqué dans la fabrication de drones de surveillance utilisés par l’Etat israélien en territoires palestiniens. Quand on voit les crimes de guerre qui sont commis chaque jour par cet Etat depuis des semaines et les milliers de morts, s’il y a un budget dans lequel il faut commencer à faire des coupes c’est celui-là. 

Enfin, je reviens sur la suggestion que mon camarade Luc Vancauwenberge vous a faite il y a deux semaines en examinant le budget de ce Parlement. Car il y a là de l’argent à récupérer pour rapprocher les Bruxelloises et des Bruxellois de la politique. 

Je pense aux indemnités de sortie que toucheront nombre de députés en quittant les bancs du Parlement après les élections de juin. 2,5 millions d’économies rien qu’en 2024. Je pense aux indemnités de fonction spéciale qui n’ont pas vraiment de sens quand un député touche déjà plusieurs milliers d’euro nets par mois. 730.000 € d’économisés par an. Le PTB propose depuis longtemps de diviser par deux les revenus des députés dans tous les Parlements. Encore 6,4 millions à récupérer pour répondre aux besoins des travailleurs, rien que chez nous. 

Mais comme on a pu l’entendre en commission, vous êtes beaucoup plus rapides pour couper dans les services publics que dans vos propres salaires. L’austérité, c’est toujours pour les autres, comme je vous le disais.

Et pourtant. Il y aurait moyen de faire autrement. Plutôt que pénaliser les travailleurs et les ménages bruxellois. Plutôt que faire encore et toujours des cadeaux aux boîtes de consultance internationales et aux barons du béton. Mais manifestement ce gouvernement n’est pas favorable à une rupture avec les politiques menées depuis des décennies, pourtant une telle rupture est nécessaire. Elle est primordiale pour répondre aux urgences sociales.

Il est possible de réellement offrir des perspectives aux plus de 54.000 ménages sur la liste d’attente d’un logement social, Madame Ben Hamou. Je rappelle au passage qu’ils étaient plus de 10.000 de moins en début de législature. Et que vous n’avez aujourd’hui construit qu’à peine 20% des 5.000 logements sociaux supplémentaires promis en 2019. Quand allez-vous enfin imposer des quotas obligatoires de construction de logements sociaux aux barons du béton pour tous les projets immobiliers ? Il est temps qu’ils rendent à la collectivité tous les bénéfices qu’ils font sur son dos depuis des décennies avec la complicité des gouvernements successifs.

On vous le répète aussi: qu'est-ce que vous attendez pour encadrer les loyers ? A la place, vous continuez avec la politique des sparadraps et du puits sans fond de l’allocation-loyer. A nouveau, des dizaines de millions d’argent public qui passe directement dans les poches des propriétaires privés. 

La secrétaire d’Etat n’est d’ailleurs pas la seule à s’entêter dans des dépenses qui ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés. Le ministre Maron n’entend pas les critiques d’experts pourtant nombreuses sur sa stratégie Renolution. On ne va pas rénover plusieurs centaines de milliers de logements en 20 ans au rythme actuel, monsieur le ministre. Des dizaines de millions d'euros d’argent public des primes à la rénovation ne vont aujourd’hui qu’à un nombre limité de ménages, en particulier ceux qui auraient le moins besoin d’aide pour couvrir les milliers d'euros de travaux d’une rénovation. Et ce n’est pas monsieur Clerfayt qui semble se préoccuper de former les centaines de professionnels qui manquent dans notre Région pour réaliser ces rénovations.

Alors, bien sûr qu’il faut rénover les logements bruxellois, ce n’est même pas la question : c’est bon pour nos factures d’énergie et c’est une urgence pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de la Région. Mais il faut une véritable stratégie collective et des moyens colossaux. Il n’y a qu’une banque publique qui permet un tel niveau d’investissement à un rythme suffisant, et il va falloir la coupler à un système de tiers-payant qui retire la charge financière des épaules des ménages à faibles et à moyens revenus. 

Comme d’habitude, vous allez faire payer la crise aux travailleurs, comme d’habitude vous faites le choix de l’austérité. Pas de blocage des loyers, le précompte immobilier qui grimpe, la taxe kilométrique qui pointe son nez, le prix de l’eau qui monte et j’en passe. Et vous allez donc couper en plus dans les services publics. On aura donc des transports en communs moins bien entretenus, plus de poubelles non-ramassées, des logements sociaux plus difficiles à entretenir, moins de guichets dans les administrations pour obtenir nos documents, et j’en passe… Bref, une région qui sera encore plus dans l’urgence sociale. Enfin, l’urgence sociale elle n'est pas pour tout le monde. Parce que pendant ce temps vous dépensez des centaines de millions d’euros pour des boîtes privées de consultance qui viennent pomper à l’aise l’argent public, les barons du béton qui s’occupent du métro continuent à abuser des millions publics aussi, et vos salaires de 11 000 euros sont toujours là aussi…

Ces choix-là, ce ne sont pas les nôtres. Ces choix-là ne sont pas ceux des ménages bruxellois. Les travailleurs et travailleuses veulent des politiques qui répondent à leur urgence sociale. Chaque semaine les actions et manifestations se multiplient aux portes de ce Parlement, portées par des travailleuses et des travailleurs qui sont à bout. Ils ont raison de se mobiliser. Le changement dont nous avons tous besoin viendra comme ça.