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Les cinq barons du béton qui font monter les prix du logement à Bruxelles (et les pistes pour s’en débarrasser)

Les cinq barons du béton qui font monter les prix du logement à Bruxelles (et les pistes pour s’en débarrasser)

Si nous sommes dans une crise profonde du logement, c’est parce que ce sont les barons du béton qui dictent la politique du logement à Bruxelles en étant sur tous les grands chantiers qui façonnent la ville. Dans ce dossier, le Service d’Étude du PTB est parti sur les traces des cinq plus grands barons du béton de la capitale.

Bruxelles connaît une crise du logement sans précédent. Un tiers de la population vit dans un logement surpeuplé ou insalubre, 50 000 familles attendent un logement social et la moitié de la population est dans les conditions de revenus pour y prétendre. Pendant ce temps, les prix pour louer ou acheter un logement ne cessent de grimper. 

Si on se retrouve dans cette situation, c’est parce que ce sont les barons du béton qui dictent la politique du logement à Bruxelles. Ces géants privés de la construction et de l’immobilier sont de tous les grands chantiers et façonnent la ville selon leurs besoins : faire le plus de profits possible en faisant grimper les prix des logements et des grands chantiers publics.

Dans ce dossier, le Service d’Étude du PTB est parti sur les traces de cinq des plus grands barons du béton : qui sont les familles richissimes qui les possèdent ? Quels sont leurs liens avec les politiques bruxellois ? Comment façonnent-ils la ville à leurs besoins ? Et comment rompre avec eux, reprendre de leurs mains la politique du logement pour construire une ville qui répond aux besoins des habitants ?

Qui sont les barons du béton ? 

Immobel, Besix, Atenor… Derrière chaque grand chantier, qu’il s’agisse de construire du logement, du bureau, des commerces, un musée, ou une ligne de métro, on retrouve les mêmes noms. Ceux de quelques géants privés.

Mais que font les géants du béton ?

Le promoteur immobilier est celui qui s’occupe de piloter la production immobilière puis sa commercialisation, c’est le chef d’orchestre du projet. Pour cela, il se charge d’acquérir le bâtiment ou le terrain, d’obtenir les autorisations administratives, puis de rassembler les entreprises et les travailleurs chargés de la construction. Une fois les travaux terminés, le promoteur se charge de la commercialisation, soit en vendant, soit en louant le bâtiment.

L’entreprise de construction ou d’ingénierie intervient uniquement dans le chantier, soit pour prendre en charge l’ensemble de la production (fondation, gros œuvre, électricité, isolation, plomberie, etc.) éventuellement en recourant à la sous-traitance, soit en se spécialisant dans des techniques particulières : fondations complexes, constructions de structures métalliques, ingénierie pour les constructions en hauteur…

Le gestionnaire d’actif intervient à la fin du chantier, au moment de la commercialisation. Il loue et gère les bâtiments (bureaux, commerces, logements).

Cette classification est utile pour comprendre comment fonctionne le secteur, mais, dans les faits, de nombreux géants du secteur intègrent l’ensemble des activités. 

Nous les appelons les barons du béton. Car les propriétaires ou actionnaires majoritaires de ces entreprises sont à chaque fois une grande fortune belge. Ces barons du béton ont un visage et un nom, ils ne vivent pas à Dubaï ou New York, mais bien en Belgique. Pour ces grandes fortunes, le béton c’est un bon placement pour investir leurs millions. L’immobilier est une valeur sûre, beaucoup moins risquée qu’un placement en bourse par exemple. Et en plus c’est un placement qui peut rapporter gros, en louant ou vendant les bâtiments. 

Les grands acteurs de l’immobilier actifs à Bruxelles et leurs propriétaires

Nom

Activité de l’entreprise

Propriétaire ou premier actionnaire

Fortune en millions d’euros

Position dans le classement des grandes fortunes belges

Besix

Promotion immobilière, construction et gestion d’actifs

Famille Beerlandt

Famille Delens

129

35

192

534

Immobel

Promotion immobilière et gestion d’actifs

Famille Galle 

253

113

CFE-BPC-BPI 

Nextensa

Promotion immobilière, gestion d’actifs et construction

Famille Bertrand

1773

21

Atenor 

Promotion immobilière

Famille Donck

Famille Vastapane

Famille Vlerick

92

71

181

260

320

150

Blaton

Construction

Famille Blaton

54

399

Source : de rijkste belgen (https://derijkstebelgen.be/

Les barons du béton mènent la danse à Bruxelles

Ces barons du béton se partagent les grands chantiers bruxellois et se retrouvent même ensemble sur plusieurs d’entre eux.

Par exemple, Besix est impliqué dans la construction du métro 3 et la rénovation du tunnel Annie Cordy avec Jan De Nul. Mais aussi dans la construction du nouveau siège de la SNCB à la gare du midi avec Immobel et BPI. Et se retrouve derrière du projet « Néo » c’est-à-dire un nouveau centre commercial et de congrès sur le plateau du Heysel avec BPC, après avoir construit le centre commercial Docks Bruxsel au pont Van Praet avec le même partenaire.

En plus du Siège de la SNCB, Immobel, se retrouve dans la reconversion de bureaux en logements de luxe dans le quartier Loi, dans le projet Key West, c’est-à-dire des lofts de luxe le long du canal à Anderlecht, ou dans la construction de nouveaux logements, bureaux et commerces prestigieux place De Brouckère (Projet Brouck’r) au Sablon (projet Lebeau) ou à Ixelles (Projet Ernest). Et enfin le projet Universalis Park, des logements de standing sur le campus de la Plaine à Ixelles. 

CFE-BPC-BPI et Nextensa, tous deux aux mains du holding Ackermans & Van Haaren, sont les acteurs du redéveloppement de Tour et Taxis et des alentours. Nextensa est responsable du développement de l’ensemble du nouveau quartier : production de logements de luxe, rénovation et location des prestigieux bâtiments de l’ancienne gare maritime, construction et location des nouveaux locaux de l’administration flamande. Tandis que BPC se charge de la construction du futur musée d’art moderne “Kanal”, juste en face du site. Et BPI que l’on retrouve sur les projets Brouck’r, Key West et Ernest avec Immobel.

Aternor, enfin, est derrière les tours UpSite le long du canal et « the One » rue de la loi ainsi que le projet Move’hub à la gare du midi. Et on pourrait continuer à multiplier les exemples.

Les projets des grands promoteurs privés

Nom

Projets majeurs

Besix

Centre commercial et nouveau quartier Néo (plateau du Heysel)
Nouveau siège de la SNCB à la gare du midi
Construction du métro 3
Rénovation du tunnel Annie Cordy

Immobel

Nouveau siège de la SNCB à la gare du midi
Projet Key West : logements de luxe le long du canal à Anderlecht
Projets Ernest, Lebeau Brouck'r : logements et commerces de luxe dans le centre-ville

CFE-BPC-BPI 

Nextensa

Nouveau siège de la SNCB à la gare du midi
Nouveau musée Kanal
Erasmus Gardens : nouveau quartier à Anderlecht

Nouveau quartier «Tour et Taxis»

Atenor 

Tour «Up Site» le long du canal
Tour «The One» dans le quartier Loi
CityDox : appartements de luxe le long du canal à Anderlecht

Projet Move’hub : bureaux et logements gare du midi.

Blaton

Nouveau quartier Héliport dans le quartier nord

Source : sites internet des entreprises

Les barons du béton font (et changent) la loi.

Pourquoi énumérer tous ces projets immobiliers ? Car chacun d’entre eux est associé à une adaptation clé-sur-porte de la réglementation urbanistique. Voire sont construits ou en chantier malgré qu’ils ne respectent pas les règles en question, mais sans conséquence pour les promoteurs. Ce sont les Plans d’Aménagement Directeurs (PAD) Midi, Loi, Heysel ou porte de Ninove1. C’est le « plan Canal » qui permet la construction de tours de logements de luxe le long du canal du nord au sud de la Région, mais ne fixe aucune obligation de logement social. C’est la délivrance de permis aux projets Ernest, Brouck’r, Lebeau, Key West ou au nouveau siège de la SNCB, malgré les protestations des habitants. 

C’est quoi un Plan d’Aménagement directeur ? 

Les Plans d’Aménagement Directeur (PAD) sont des règles d’exception prises dans de nombreux quartiers bruxellois. En théorie, ils servent à redéfinir l’avenir d’un quartier repartant de zéro, donc en remettant à plat les réglementations existantes.

Dans la pratique, ces PAD ont surtout été utilisés pour faciliter des projets immobiliers privés. En changeant les gabarits autorisés des bâtiments pour permettre un projet de tour de Besix à la porte de Ninove ou la construction du nouveau siège de la SNCB et d’autres tours autour de la gare du midi ou encore pour permettre le projet Néo sur le plateau du Heysel. Par contre, dans un premier temps, ces PAD ne permettaient pas d’imposer la production de logements sociaux à ces mêmes promoteurs… 

Alors, le mode associatif s’est mobilisé contre ces règles d’exception. Ils ont obtenu plusieurs victoires comme le blocage des PAD Ninove, Gare du Midi ou Néo. Ils ont aussi démontré qu’il était possible légalement d’imposer un seuil minimal de logement social dans les PAD, ce que le gouvernement bruxellois contestait pour éviter d’imposer quoi que ce soit aux promoteurs2.

Mais la lutte se poursuit, car les promoteurs continuent malgré tout leurs projets et reçoivent leurs permis. Exemple de cette logique qui fait primer le profit sur la démocratie urbaine : même en l’absence du PAD midi, Atenor et BPI viennent de recevoir un avis favorable de l’administration pour leur complexe de bureaux et de logements privés “Move’hub” à côté de la gare du midi. Un projet qui bétonne un des derniers terrains libres du quartier et enfreint les règles urbanistiques en vigueur. L’avis favorable des autorités est justifié par « la nécessité pour le promoteur d’atteindre l’équilibre financier ».

Pour pouvoir s’enrichir, les barons du béton ont besoin de la bienveillance, voire de la complicité des autorités publiques. Pour leur faciliter la délivrance de permis, permettre de construire plus haut ou plus grand, autoriser la production d’équipements prestigieux ou de logements de luxe là où ce n’était pas possible avant. Et surtout ne pas leur imposer trop de contraintes, comme la construction de logements sociaux ou d’équipements publics.

Mais pourquoi laisser les barons du béton dicter leur loi sur l’urbanisme dans la capitale? D’abord parce que les partis traditionnels s’entêtent à penser que seule la promotion immobilière privée est capable de construire des logements en masse, que seuls les géants privés de la construction peuvent mener à bien un grand chantier d’infrastructure. Comment envisage-t-on dans la politique actuelle la création d’un nouveau quartier ? En vendant les terrains publics au privé et en modifiant les règles d’urbanisme pour attirer des promoteurs immobiliers. À qui le gouvernement laisse l’initiative de rénover les tunnels routiers, de déterminer l’opportunité de construire un métro et de fixer le coût des chantiers ? Aux géants privés de la construction. Où les autorités bruxelloises se rendent-elles pour présenter leur vision de la ville ? Dans les grands salons de la promotion immobilière privée, Realty à Bruxelles ou le Mipim à Cannes, en y installant des stands aux frais du contribuable pour rencontrer et attirer les promoteurs. Ce sont les barons du béton qui font la loi. Et pour cela, il n’hésitent pas à entretenir des liens étroits avec les grandes familles politiques.

Les liaisons entre politiques bruxellois et barons du béton et leurs conséquences

Les liaisons dangereuses entre barons du béton et politiques bruxellois sont nombreuses.

Il y a des liens directs et le premier auquel on pense est celui de la famille Bertrand3. À la fois présente en politique via Alexia Bertrand, secrétaire d’État au budget sortante et 4e sur la liste bruxelloise MR pour les élections fédérales, et à la tête du holding Ackermans & Van Haaren, actif dans l’immobilier bruxellois via Nextensa et CFE-BPC-BPI. Holding dont Alexia Bertrand était encore administratrice jusqu’en 2022. Une situation qui amène à de nombreux conflits d’intérêts potentiels et déjà évoqués à plusieurs reprises, en particulier autour de la reconversion du site de Tour & Taxis, le projet phare du holding à Bruxelles : vente du terrain public à bas prix, 30 millions d’euros, alors que la valeur marchande du quartier est estimée aujourd’hui à 1 milliard d’euros4 ; disparition de l’obligation de construire du logement social5 ; aucune obligation non plus de créer des équipements publics sur le site.

Mais il y a aussi de nombreux liens indirects : politiques et hommes d’affaires se retrouvent notamment dans les salons feutrés des conseils d’administration. Par exemple en siégeant au CA du Royal Sporting Club d’Anderlecht, Philippe Close siège au CA a pu côtoyer la famille Beerlandt, premier actionnaire de Besix6. Tandis que Michèle Sioen, ex-présidente de la Fédération des Entreprises de Belgique, administratrice d’Immobel et femme de Marnix Galle, PDG et premier actionnaire du groupe, siège également au Conseil d’Administration de d’Ieteren, dont l’ancien Directeur général est Axel Miller, actuel chef de Cabinet du président du MR Georges-Louis Bouchez. 

Des liens qui deviennent plus problématiques lorsque des politiques rejoignent les lobbys de la promotion immobilière privée. Ainsi, plusieurs des barons du béton privés que nous suivons sont rassemblés au sein du Urban Land Institute (ULI)7, lobby international de la promotion immobilière. La branche belgo-luxembourgeoise de l’ULI était présidée par Marnix Galle8 jusqu’en 2018, avant qu’il prenne la tête du département européen et soit remplacé par des représentants de Nextensa (Ackermans & Van Haaren). Un lobby qui invite des cadres influents de l’administration bruxelloise à siéger au côté des promoteurs et des représentants des grandes banques. Se retrouvent dans le comité belgo-luxembourgeois de ULI9

– Benjamin Cadranel (PS), ancien chef de cabinet de Charles Picqué lorsqu’il était Ministre Président de la Région bruxelloise et actuel directeur de CityDev, l’administration chargée de gérer les terrains industriels publics et de produire du logement pour les revenus moyens ; 

– Gilles Delforge (PS), ancien chef de cabinet de Freddy Thielemans (ancien bourgmestre PS de Bruxelles et président actuel de la Société d’Aménagement Urbain (SAU), c’est-à-dire l’administration chargée d’acheter des terrains pour développer des projets immobiliers ;

– Jean-Michel Mary, responsable des relations publiques de la STIB et ancien chef de cabinet de Didier Gosuin (DéFi). 

L’inverse est vrai aussi, les barons du béton sont invités dans les structures publiques. Un exemple, celui du Musée Kanal. Le projet : transformer un ancien garage Citroën, le long du canal juste en face de Tour et Taxis en un musée d’art moderne. Avec un financement régional, 100 % public. Le directeur général de la fondation chargée de la reconversion est Yves Goldstein10, ex-chef de cabinet du Ministre-Président Rudy Vervoort (PS). Mais la présidence du Conseil d’Administration de la Fondation a été confiée à Michèle Sioen11.

Pourquoi retrouve-t-on autant de liens entre les grandes familles politiques bruxelloises, et en premier lieu le PS, le MR et Vooruit, et les barons du béton ? De quoi discutent-ils ensemble ? Quel est l’intérêt pour les barons du béton et les hommes politiques de s’inviter mutuellement dans leurs structures ? Quelles conséquences ont ces liaisons dangereuses ? 

En premier lieu, ces échanges réguliers renforcent certainement une vision partagée du développement de la ville. « Il faut accélérer la délivrance de permis et limiter les possibilités de recours contre les projets immobiliers », ne cesse de répéter Philippe Close, bourgmestre de la Ville de Bruxelles (PS)12, reprenant à son compte une revendication clé des promoteurs. Tandis que Pascal Smet (Vooruit), ex-secrétaire d’État bruxellois à l’Urbanisme, explique avoir délivré le permis pour le métro 3 juste avant les élections pour empêcher tout retour arrière en cas de changement politique. « Il faut pouvoir faire le bonheur des gens malgré eux », dit-il, depuis le Mipim, le salon mondial de la promotion immobilière à Cannes13. Signe que les voix contestataires ne sont pas les bienvenues, le Gouvernement régional Bruxellois et son ex-secrétaire d’Etat Pascal Smet ont coupé dans les subsides d’Inter-Environnement Bruxelles, la plate-forme des comités de quartiers bruxellois, malgré l’appel des syndicats et du monde associatif à protéger le débat démocratique14. Tandis que lors du salon bruxellois de l’Immobilier “Realty”, en 2022, Nawal Ben Hamou, Secrétaire d’Etat au logement (PS), a proposé de supprimer les commissions de concertations, ces moments de débats publics avant la délivrance des permis pour les grands projets immobiliers, dont les promoteurs privés souhaitent se débarrasser16.

Ensuite, ces discussions régulières facilitent sans doute l’obtention de dérogations pour les projets des barons du béton et permettent probablement aussi de fermer les yeux sur certains dossiers. Par exemple aujourd’hui, le budget du futur musée Kanal explose, on parle de plus de 400 millions d’€ alors que le montant initial était de 150 millions17. Pourtant tout continue comme si de rien n’était, la Région paye la facture sans protester alors qu’on atteint un montant comparable à celui du scandale de la gare de Mons. Ce projet ruineux pour les finances régionales est par contre très intéressant pour le holding AvH puisque c’est sa filiale CFE qui prend en charge le chantier et puisqu’avant même d’être ouvert, le musée est déjà utilisé dans le marketing des projets immobiliers de Tour & Taxis comme une preuve de l’attractivité nouvelle du quartier18. 

Détail piquant pour terminer, Marnix Galle et Michèle Sioen ont le privilège d’être les seuls Belges en dehors de la famille royale à avoir accès au domaine royal de Laeken, puisqu’ils y louent le Château du Stuyvenberg, l’ancienne résidence de la Reine Fabiola19. Est-ce que les nombreux liens politiques qu’entretient le couple ont facilité cette location ? Le doute est permis.

Les barons du béton tirent les prix des logements vers le haut

« Laissons construire les promoteurs privés pour répondre à la crise du logement ». Voilà l’idée défendue par les partis traditionnels, du PS aux Ecolo20 et au MR en passant par Défi ou les Engagés.

De fait, les grands promoteurs privés construisent beaucoup. En dix ans, ils ont été impliqués dans la production de plus de douze mille logements dans la capitale. Cela représente près du tiers de la production totale de logements, qui s’élève à environ 40 000 unités21. À titre de comparaison, le parc de logements sociaux n’a lui augmenté que de moins de mille unités pendant la même période22. Les vrais ministres du logement à Bruxelles, ce sont donc les barons du béton. Ils produisent à eux seuls dix fois plus d’habitations privées que l’autorité publique n’arrive à construire de logements sociaux.

Nom

Nombre de logements produits ou en projet depuis 2015

Besix

3264

Immobel

3352

CFE-BPC-BPI 

2380

Atenor 

960

Nextensa

1465

Blaton

1345

Production totale depuis 2015 : 12766 logements

Sources : site des entreprises

Bruxelles est une ville intéressante pour les investisseurs : population en augmentation, demande de logements de la part des étudiants, mais aussi des travailleurs internationaux. Ainsi, le promoteur anversois Whitewood dit qu’il préfère investir à Bruxelles que dans sa ville d’origine, car les prix y sont plus élevés23. Les logements qu’il construit sur le piétonnier au centre-ville en partenariat avec Immobel se vendent à 6000 €/m². Soit près de 500000 € pour un appartement de 80 m². “Ce qui illustre une pénurie d’offres dans le centre-ville et un regain de son attractivité, selon Olivier Thiel, directeur du développement pour Immobel”24. Comme le rappelait récemment Immovlan25, pour les investisseurs, «la hausse des loyers dope le rendement» des placements.

Car la boussole des barons du béton, c’est le profit. Ils ne construisent pas en fonction de ce qui est utile collectivement et à long terme, mais bien de qui est le plus rentable immédiatement et individuellement. Ils ne construisent que pour répondre à une demande solvable, qui peut payer des loyers ou des prix d’achat élevés. Ils produisent des logements étudiants, mais ce sont des kots privés et chers, ils développent des maisons de retraite, mais ces résidences privées sont inaccessibles aux petits budgets, ils construisent des logements, mais à prix inaccessibles aux 50 000 ménages en attente d’un logement social. 

En ajoutant des logements privés et chers par milliers dans la capitale, leur action aggrave en fait la crise du logement. Car ces nouveaux bâtiments tirent l’ensemble du marché à la hausse. Lorsqu’un nouveau quartier de prestige voit le jour comme à Tour et Taxis, ou lorsqu’on construit une tour de luxe comme la Tour Upsite le long du canal, où un appartement peut coûter jusqu’à plusieurs millions d’euros26, cela tire l’ensemble des prix vers le haut. Car d’autres promoteurs, attirés par le gain potentiel, viennent investir à côté. Il suffit pour s’en convaincre de voir la multiplication des projets depuis : transformation de l’ancien siège de la KBC en logements de luxe, construction d’une rangée de lofts le long du canal entre la tour UpSite et le futur musée Kanal. Des projets qui s’étendent maintenant vers le quartier de la gare du Nord où de nombreux bureaux sont à reconvertir.

« Le luxe s’impose partout », titrait Le Soir en 201527 à propos de l’immobilier bruxellois. On en voit les résultats aujourd’hui. Les prix n’ont jamais été aussi élevés et tout le monde, de l’étudiant, au travailleur et sa famille, à la personne retraitée galère à trouver un logement. Tout le monde, sauf les investisseurs dans l’immobilier de luxe, puisque pour eux « la crise se fait sentir moins fortement »28. 

Laisser les clés de la ville au privé ne fera pas baisser les prix des logements. Au contraire, c’est tout l’inverse qui se produit. Aux frais du contribuable et de l’habitant bruxellois, qui payent avec leur loyer, leur prêt ou leurs impôts pour cette ville devenue terrain de jeu et d’enrichissement des grands promoteurs.

Reprenons notre ville des mains des promoteurs

Nous voulons reprendre notre ville, son avenir et celui de ses habitantes et habitants des mains des barons du béton. Pour nous c’est une ligne rouge pour participer à une majorité régionale après les prochaines élections29. 

Notre priorité est de rompre les liens entre barons du béton et pouvoirs publics. Le gouvernement Vervoort est aujourd’hui celui du conflit d’intérêts, de sa Ministre-Présidence jusqu’à son Secrétariat à l’Urbanisme et aux directions d’administration. Nous refusons cette voie. Nous ne permettons plus à des représentants publics de siéger dans des lobbys ou conseils d’administration directement liés à la construction ou la promotion immobilière privée et inversement. Nous cessons de financer des participations publiques aux grands salons de l’immobilier privé. 

Ensuite, notre première mesure est de fixer un seuil de 30 % de logements sociaux dans tous les projets privés de plus de 2000 m². Si on avait imposé une telle norme aux 12000 logements produits ou en projets que nous avons répertoriés dans ce dossier, la capitale compterait 4000 logements sociaux supplémentaires aujourd’hui.

Nous voulons aussi arrêter la vente des terrains publics communaux, régionaux ou fédéraux dans la capitale. Nous avons besoin de ces espaces pour construire les futurs quartiers qui répondent aux besoins des Bruxellois. Avec des crèches, des parcs publics et des logements abordables. Tout ce que les barons du béton ne font pas. Sur ces terrains, nous devons pouvoir décider démocratiquement ce dont on a besoin et ensuite piloter publiquement la production d’équipements et de logements. C’est sur ce modèle que Vienne arrive à produire de nouveaux quartiers avec des logements abordables sur d’anciennes friches.

Pour mener à bien cette politique, nous avons besoin d’une administration forte, qui peut jouer le rapport de force avec les géants de la construction privée. Nous voulons rassembler la politique du logement au sein d’une seule administration régionale, chargée de répondre au défi de la crise du logement sur l’ensemble du territoire. 

Si on doit avoir recours aux entreprises privées pour construire les logements et équipements publics, nous voulons que la maîtrise d’œuvre soit publique et que la relation avec le privé soit basée sur des cahiers des charges précis et transparents. Et pourquoi ne pas s’inspirer du modèle parisien : la Ville de Paris dispose d’une puissante régie publique capable de construire elle-même des logements publics et des infrastructures. Nous pourrions faire de même, en rassemblant progressivement les compétences de travaux publics aujourd’hui dispersées entre communes et régions. Donc, constituer une régie publique régionale, capable de prendre en charge les chantiers et de prendre le relais du privé s’il ne “joue pas le jeu” et refuse les conditions fixées démocratiquement pour produire du logement à Bruxelles.

Notes

1. https://www.baslespad.brussels/missions 
2. https://www.arau.org/fr/charges-durbanisme-pas-damelioration-en-vue/
3. https://www.ptb.be/actualites/alexia-bertrand-ou-le-conflit-dinterets-eleve-au-rang-dart
4. https://www.ieb.be/Tour-et-Taxis-la-ville-passera-t-elle-en-force
5. https://www.rtbf.be/article/pas-de-logement-social-sur-le-nouveau-site-de-tour-taxis-pour-le-ptb-c-est-le-hold-up-du-siecle-9986237
6. https://press.rsca.be/le-conseil-dadministration-du-rsc-anderlecht-accueille-de-nouveaux-administrateurs
7. https://belgium.uli.org/about/our-leaders/
8. https://www.ieb.be/Immobel-BPI-Deux-acteurs-majeurs
9. https://belgium.uli.org/about/our-leaders/
10. https://kanal.brussels/fr/a-propos/lequipe
11. https://kanal.brussels/fr/a-propos/conseil-dadministration
12 https://trends.levif.be/immo/philippe-close-les-recours-freinent-le-developpement-de-bruxelles/
13 https://www.rtbf.be/article/au-mipim-de-cannes-le-secretaire-d-etat-bruxellois-pascal-smet-veut-rendre-les-gens-heureux-malgre-eux-10955553  
14 https://ieb.be/IMG/pdf/2021-07-01_selection_courriers_de_soutien_ieb.pdf et https://www.ieb.be/ En-toute-opacite-le-jury-a-tranche-les-subsides-2022-en-urbanisme-pour-IEB-c
15 https://www.dhnet.be/regions/bruxelles/2022/09/21/la-secretaire-detat-bruxelloise-au-logement-nawal-ben-hamou-ps-veut-supprimer-les-commissions-de-concertation4UUBZMKUXRAOZICOULWLTXQX5Y/
16 https://www.rtbf.be/article/le-futur-musee-kanal-coute-t-il-trop-cher-oui-pour-certains-partis- politiques-a-bruxelles-11283636
17 https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/bruxelles/meme-en-vitesse-de-croisiere-kanal- coutera-tres-cher/10480814.html
18 https://www.rtbf.be/article/contre-la-gentrification-ou-lorsque-bruxelles-se-transforme-au-detriment- des-quartiers-populaires-10775915
19 https://www.lalibre.be/belgique/2017/09/28/le-chateau-du-stuyvenberg-sera-occupe-par-michele- sioen-et-marnix-galle-UVL4HWC6N5CUXDX46IAOK3RHJU/
20 Alain Maron (Ministre régional Ecolo de l’Environnement) qui disait encore récemment « on a besoin d’investisseurs privés » dans un débat sur le sujet de la crise du logement : https://auvio.rtbf.be/media/ declic-les-sequences-les-debats-politiques-3194212
21 https://perspective.brussels/sites/default/files/documents/perspective_- _observatoire_permis_logement_10_-_fr-nl_-_web.pdf 
22 https://ibsa.brussels/themes/amenagement-du-territoire-et-immobilier/parc-de-logements-sociaux
23 https://www.lalibre.be/economie/entreprises-startup/2023/09/30/les-chantiers-bruxellois-du- promoteur-anversois-whitewood-le-prix-nest-plus-quun-element-de-la-prise-de-decision- JIVP3U3ZVVE5NIF2XAFOFM2LOQ/
24 https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/bruxelles/en-dix-ans-le-pietonnier-bruxellois-a- attire-les-investissements-annonces/10541836.html
25 https://immovlan.be/fr/article/64749/voici-pourquoi-la-hausse-des-loyers-dope-le-rendement-immobilier
26 https://www.lavenir.net/regions/bruxelles/bruxelles/2020/11/12/un-prix-qui-donne-le-vertige-pour-lappartement-le-plus-haut-de-belgique-4LJAZWHO2ZBLZFEU6Z3CPI74EY/
27 https://www.lesoir.be/art/1004526/article/economie/immo/2015-10-01/luxe-s-impose-desormais-partout
28 https://www.lesoir.be/506849/article/2023-04-12/immobilier-de-luxe-la-crise-se-fait-sentir-mais-moins-fortement
29 vous trouverez ici nos lignes rouges pour Bruxelles : https://www.ptb.be/bruxelles