Un débat public pour l’avenir industriel du site d’Audi

Un débat public pour l’avenir industriel du site d’Audi

7 mars 2025

Nouvelle activité industrielle, logements, espace vert, usine d’armements... Que va devenir le site de Forest ? Depuis l’annonce de la fermeture d’Audi Brussels, plusieurs projets ont déjà été envisagés. Ce gigantesque site industriel de plus de 57 hectares appartient en grande partie à Audi. Pour le PTB, le choix de la reconversion de cet immense site industriel ne doit pas rester dans les mains d’une multinationale ou dans les coulisses opaques d’une task force. La classe travailleuse a son mot à dire sur l’avenir du site de Forest qui est directement lié à l’ambition industrielle dans notre pays et en Europe.

La bataille pour un avenir industriel

La crise industrielle est une réalité qui touche profondément l'Europe, et la Belgique n'y échappe pas. L'industrie a longtemps été un moteur pour l'économie européenne, en créant des emplois stables, bien rémunérés et diversifiés. La fermeture d'Audi Brussels marque un tournant pour l’industrie belge. Après Renault à Vilvorde, Opel à Anvers, Ford à Genk et maintenant Audi à Forest ; Volvo Cars à Gand est la dernière usine automobile de notre pays. Mais à côté du secteur automobile, d’autres secteurs industriels sont touchés. L’année 2024 a été marquée par une série de fermetures et de restructurations (comme Van Hool, Agfa-Gevaert, Ontex, Barry-Callebaut...), et la perte de milliers d’emplois. L’industrie est un secteur interconnecté par excellence, qui entraîne en cas de fermeture, des pertes d’emplois en cascade. 

Il n’y a plus de doute maintenant, l’Europe doit développer une stratégie industrielle ambitieuse qui réponde aux défis sociaux et environnementaux. C’est ce qui a mobilisés début février des milliers de travailleurs venus de toute l’Europe, réunis devant les instances européennes à Bruxelles. La fédération syndicale IndustriALL s’est à plusieurs reprises exprimée aussi clairement dans ce sens et exige un moratoire sur les licenciements et les fermetures, une politique d'investissement plutôt que d'austérité, et des investissements publics pour stimuler la demande industrielle et remédier à la surcapacité mondiale. Mario Draghi lui-même, l’ancien président de la Banque centrale européenne, dans un récent rapport de 2024, parle d’un « défi existentiel » pour l’industrie européenne.

C’est pour cette raison que le PTB exige que le Gouvernement belge, les gouvernements européens et la Commission européenne imposent un moratoire sur toute fermeture d’usine automobile. Un moratoire pour établir avec l’ensemble des grands constructeurs européens et les syndicats du secteur un plan industriel. Nous avons besoin d’un plan d’ensemble pour organiser la production, le développement des infrastructures et la bonne répartition des modèles. On ne peut pas hypothéquer l’avenir en fermant une des usines capables de s’adapter à tous les besoins de l'automobile de demain.

Une industrie verte et moderne à Bruxelles 

La crise industrielle a été alimentée par des décennies de politiques néolibérales qui favorisent les intérêts des multinationales au détriment des besoins collectifs. La fermeture d’Audi à Forest en est un parfait exemple. La marque vache à lait du groupe Volkswagen, a bénéficié de millions de subsides publics qui n’ont pas empêché l’usine de fermer. En arrosant grâcement ses actionnaires plutôt qu’en investissant suffisamment dans la recherche et l’innovation, Audi a creusé un retard colossal face à ses concurrents chinois et américain. Il est temps de prendre la main. 

Nous avons l’opportunité aujourd’hui de moderniser notre tissu industriel et de réorienter cette industrie vers la transition écologique. Et dans ce domaine, nous avons beaucoup de retard. Le réseau de bornes de recharge électrique dans notre pays est totalement insuffisant. Des villes comme Vienne ou Paris, font beaucoup mieux que nous en terme de transports publics à faible émission de carbone. Il y a encore beaucoup d’investissements nécessaires pour rénover le réseau de chauffage urbain, pour isoler les bâtiments. Le site gigantesque d’Audi comporte un grand nombre d’atouts et en fait un terrain idéal pour y développer une telle activité industrielle.

Un site idéal pour l’industrie

Ce site de 575.000 m² est directement connecté à l’autoroute, directement connecté au rail (environ 79.350 m² propriété de SNCB Holding). Il se situe à la frontière de la Wallonie et de la Flandre. Ces caractéristiques en font un site idéal pour l’arrivée des matières premières, pour le départ des produits industriels, pour la mobilité du personnel. En supprimant des milliers d’emplois, Audi libère aussi une main-d’œuvre caractérisée par un grand savoir-faire.

Le site est neutre en carbone depuis 2019. Et nous plaidons bien sûr pour le maintien de ce statut. Sur les toits de l’usine se trouve le plus grand parc de panneaux solaires de la Région Bruxelloise. Cela doit être préservé et développé. L’industrie consomme de l’eau. L’usine d’Audi est raccordée à la station d’épuration d’Anderlecht afin d’être approvisionnée en eaux épurées mais pas encore potable, ce système plus écologique doit être maintenu. Le site possède ses propres stations d’épurations des eaux, cela doit être préservé autant que possible.

Ce serait un énorme gaspillage, alors que ce site est idéal pour maintenir une activité industrielle de grande ampleur. C’est aussi un grand atout pour la vie économique et sociale du quartier (commerçants, cafés, transports, horeca…). Directement après l’annonce de la restructuration à Audi, plusieurs commerçants du quartier Saint-Denis de Forest ont exprimé leurs inquiétudes. Certains établissements Horeca situés juste à côté de l’usine dépendaient pour le tiers de leur chiffres d’affaires des clients qui travaillaient chez Audi.

Un débat public pour l’avenir du site

Audi n’a pas fermé ses portes pour cause de faillite, l’entreprise bruxelloise était bénéficiaire. Ces deux dernières années, le groupe a d’ailleurs réalisé les deux plus gros bénéfices de son histoire en 2022 et 2023, grâce au travail acharné de ses travailleurs. Depuis 2018, Audi a touché au moins 157,7 millions de subsides publiques en Belgique, ce qui ne l’a pas empêché de fermer et licencier plus de 4000 travailleurs et sous-traitants. Pour le PTB, il n’est pas question d’offrir encore 1 euro à la multinationale. Non seulement elle est responsable de la dépollution du site, mais elle a aussi largement les moyens de le payer et de remettre le site en état d’accueillir une nouvelle activité industrielle.

Une nouvelle taskforce s’est mise en place pour discuter entre autre de l’avenir du site. Francis Dagrin, député bruxellois du PTB et ouvrier à Audi pendant 40 ans a récemment interpelé Rudi Vervoort, le Ministre-Président de la Région bruxelloise, à ce sujet. Pour protéger les intérêts économiques de la multinationale, il n’y pas de transparence sur ces discussions. Vervoort rappelle qu’”en tant que propriétaire, Audi a plus de pouvoir sur l’avenir du site”.  Le Groupe n’a pas été capable de rattraper son retard technologique sur ses concurrents, elle a privilégié les dividendes aux actionnaires plutôt que les investissements nécessaires. Nous ne pouvons pas à nouveau laisser le marché décider de notre avenir. Nous allons devoir nous battre pour que ce ne soit pas les multinationales qui décident de la politique industrielle de notre pays, ni de l’avenir de 57 hectares dans notre pays. 

Qu’il s’agisse de l’énergie, de la mobilité, de l’isolation, de la santé ou de la digitalisation de l’économie, il est essentiel de concentrer les savoirs, les savoir-faire et les investissements autour de grands projets européens dirigés par la collectivité.1

Il y a de la place dans notre Région pour à la fois développer les espaces verts urbains, rénover et bâtir de nouveaux logements sociaux et en même temps redynamiser le tissus industriel. Aménager le territoire en fonction des besoins sociaux, économiques et environnementaux, est une question de choix politique qui nécessite de reprendre les clés de notre ville en mains. Dans la commune même de Forest, plusieurs projets sont en cours. L’ancienne usine Diamond Board va être reconvertie en logements sociaux. Nous soutenons la préservation du « Marais Wiels », espace vert urbain situé dans la cours des anciennes Brasseries Wiels.

1 Découvrez l’analyse de Benjamin Pestieau et Max Vancauwenberge dans Lava : “L’industrie est à nous” : Neuf principes pour sauver l’industrie en Europe