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Etude : Face à l'urgence climatique, les transports en commun gratuits sont une nécessité

Etude : Face à l'urgence climatique, les transports en commun gratuits sont une nécessité

Les dernières estimations des scientifiques du GIEC (Groupe International des Experts du Climat) ne nous donnent plus que 11 ans pour agir si nous ne voulons pas que le réchauffement climatique ne devienne un phénomène irréversible. D’ici 11 ans, nous devrons réduire nos émissions de CO2 de 60%. Il y a urgence pour mettre en place des mesures fortes. En Région bruxelloise, un tiers de ces émissions de CO2 proviennent du trafic automobile et routier et les prévisions actuelles font craindre que nous n’atteindrons pas les objectifs de réduction. Offrir aux automobilistes des alternatives sociales pour se déplacer est donc un défi que nous devons relever. C’est pourquoi le PTB veut la gratuité des transports en commun. Pas de manière partielle comme Ecolo le propose, ni reporté à 5 ans comme le PS l’envisage. Mais maintenant et pour toutes et tous. La gratuité des transports est nécessaire pour sauver la planète et la santé des bruxellois et tout à fait payable. Ce qu’il manque c’est la volonté politique de l’appliquer. Tout comme pour la santé ou l’enseignement, la solution aux problèmes de mobilité est collective, gratuite et publique.

La gratuité ça fonctionne et c'est nécessaire pour agir vite pour le climat

Pas efficace la gratuité pour diminuer l’usage de la voiture ? C’est un des arguments souvent martelé par les “contre gratuité”. Qu’en est-il dans la réalité?

La gratuité des transports en commun n’est pas à sa période d’essai. Depuis les années ‘70 des villes pratiquent cette gratuité. Depuis les années 2000, le nombre de villes dans le monde qui la mettent en place ne fait qu’augmenter. Une centaine de villes à l’heure actuelle, dont 39 aux Etats-Unis et plus de 50 en Europe. Dont la plus grande d’entre elles est Tallinn, ville de 430 000 habitants.

Aubagne, ville dans le sud de la France, est passée à la gratuité en 2009. Résultats: après 3 ans, 5000 voitures en moins chaque jour dans la ville, une diminution de 10% de l’usage de la voiture et une augmentation de la fréquentation des transports en commun de + 235%. A Hasselt, la gratuité des bus depuis 1997 a permis d’enregistrer une diminution de 16 % des voitures après deux ans seulement.

Dunkerque, ville du nord de la France, est, elle, passée à la gratuité totale le 1er septembre 2018. Les résultats en seulement quelques mois d’application parlent d’eux-mêmes. Un quart des parkings est aujourd’hui vide, alors qu’avant la gratuité, tout le monde se plaignait du manque de places pour se garer. L’augmentation de la fréquentation des bus s’est ressentie tout de suite: + 100% le samedi, +140% le dimanche.

La gratuité peut même être “victime” de son succès. La mairie de Paris avait envisagé la gratuité mais doit attendre pour l’appliquer. Devant le succès et l’appel d’air de nouveaux usagers que cela aurait provoqué, la mairie se trouve coincée pour élargir son offre de transports dans l’immédiat.

En Belgique, de nombreuses entreprises (publiques et privées) offrent déjà la gratuité des transports à leurs employés. C’est d’ailleurs la mesure la plus plébiscitée en 2017, mesure qui continue à augmenter. Plus de la moitié des employeurs (56 %) offrent le transport public gratuit à leurs travailleurs.

Quand une société offre la gratuité des transports en commun à ses employés, cela fait augmenter l’utilisation des transports en commun de 14% parmi son personnel.

Alors que ce chiffre n'est que de 6 % chez les employeurs qui ne le font pas.

Ces chiffres proviennent de la très sérieuse enquête Beldam, grande enquête de mobilité réalisée tous les 10 ans en Belgique. Les conclusions de cette enquête sont très claires : plus le navetteur voit son trajet domicile-travail remboursé, plus il utilise les transports en commun.

La gratuité, c’est aussi la solution proposée en cas de pic de pollution pour réduire l’usage de la voiture. Ironiquement, la gratuité, c’est enfin la mesure prise par la ville de Bruxelles pour favoriser le shopping et les déplacements entre ses noyaux commerciaux… Lorsqu’il s’agit de consommer, les oppositions dogmatiques à la gratuité s’effacent.

 

On le voit, offrir la gratuité provoque un changement dans les habitudes de déplacement des gens et une baisse de l’utilisation de la voiture. La gratuité est un outil simple et efficace dans la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique.

La gratuité est nécessaire pour le droit à la mobilité et le vivre ensemble

La gratuité est importante aussi pour que les transports en commun deviennent de nouveau réellement publics. Le transport public gratuit est un vecteur de transformation sociale et politique profonde et à long terme. Le transport n’est plus considéré comme une marchandise, mais comme un bien commun, accessible à tous et selon les besoins de chacun. Dans un article récent à ce sujet, Wojciech Kębłowski explique ainsi :  …Comme un grand nombre de services publics tels que la sécurité sociale, l’éducation, les parcs, les routes, les trottoirs, les pistes cyclables, les lampadaires, les bibliothèques, les écoles, les crèches ou les cours de récréation. Comme pour ces services, nous pourrions imaginer que le transport public soit gratuit en permanence, que nous en ayons besoin sur le moment ou non. Après tout, nous n’avons pas besoin d’insérer une pièce dans les lampadaires pour qu’ils éclairent notre chemin la nuit et nous ne payons pas à la minute pour visiter les parcs ou les bibliothèques.

La gratuité change le rapport au transport, en l’éloignant d’une logique marchande et libérale qui envisage le paiement comme le seul moyen d’assurer un usage « raisonnable » et respectueux. Au contraire, l’accès inconditionnel au transport public est un outil de réduction de l’exclusion sociale et des inégalités. Permettre aux plus faibles de se déplacer rend le transport plus juste et réduit les écarts entre citadins aisés, très mobiles et ayant accès à tous les services urbains, y compris l’automobile si nécessaire, et plus pauvres, qui sont contraints d'utiliser les transports en commun.

Lors de leur visite à Dunkerque, les députés du PTB ont été frappés par le caractère social des transports. La violence et les incivilités ont diminué de 60% depuis la gratuité. Les transports sont devenus un réel espace commun. Une mixité sociale s’est installée dans les bus suite à la gratuité. Des cadres d’entreprises utilisent maintenant les bus, ce qui n’était pas le cas avant. Il existe également des activités culturelles dans les bus, que ce soit de la musique en week-end ou encore des rencontres sportives ou des débats sur le défi climatique. Un nouveau phénomène est aussi apparu: les copains de bus. Ce sont les amis que l’on se fait sur les trajets quotidiens. Un exemple parmi d’autres encore de ces changements, un couple de pensionnés leur a confié avoir revendu l’un de ses véhicules et envisager de se séparer du second, au profit de l’utilisation du bus gratuit.

Pourtant, en 2013, le gouvernement bruxellois (PS-CDH-ECOLO) a supprimé la gratuité des transports en commun pour les seniors. Des 223.000 seniors profitant de cet abonnement gratuits en 2012, seulement 56.652 ont payé leur abonnement en 2017. Pour une partie importante de ces seniors, les transports en commun gratuits étaient leur liberté. Leur passage en ville le samedi ou dimanche, leur visite à un musée, … Leur vie sociale.

De même, 53% des bruxellois n’ont pas d’abonnement à  la STIB. Ils sont contraints de payer au prix fort leurs déplacements et de bouger moins souvent. On remarque par exemple que les jeunes issus des classes populaires se déplacent bien moins souvent et moins loin dans la ville que ceux issus des quartiers plus riches. Alors que les services locaux disparaissent, banques, postes, magasins de quartiers, écoles et crèches surchargées, et que les travailleurs sont contraints de chercher un emploi de plus en plus loin de chez eux, le transport payant apparaît comme une double sanction pour les plus précarisés. C’est inacceptable dans un pays aussi riche que la Belgique que certains doivent compter et réduire leurs déplacements faute de moyens.

Lorsque des contrôles ont lieu et que des amendes sont réclamées, seule la moitié sont effectivement payées, à cause de la situation socio-économique précaire des fraudeurs. Si ceux-ci ne peuvent régler leur amendes faute de moyens, ils risquent d’une part des sanctions plus lourdes et sont d’autre part encore plus exclus des possibilités de se déplacer, au risque de se voir une nouvelle fois sanctionnés. De plus, les contrôles de billets dans les transports en commun sont de plus en plus fréquemment associés à la présence de la police, qui en “profite” pour effectuer des vérifications visant les sans papiers par exemple. Faire disparaître le transport payant et rendre ces contrôles inutiles, c’est supprimer ces vecteurs d’exclusions sociales.

Enfin, pour les travailleurs du transport public, comme le démontrent les exemples de Tallin ou Aubagne, la gratuité est également positive. Elle réduit les tensions et pressions sur les chauffeurs et (ex-) contrôleurs et rend la relation avec les voyageurs plus conviviale. S’observe aussi une baisse des incivilités dans les lieux et véhicules de transport public. Quant au personnel de contrôle, il peut être affecté à des tâches plus utiles socialement, comme l’accompagnement dans les véhicules, notamment à destination des personnes à mobilité réduite, l’information, l’accueil, et bien sûr avoir accès à des formations vers d’autres métiers: chauffeur, mécanicien…

Une gratuité complète et finançable.

Lorsqu’est envisagée la gratuité des transports en commun, des discours alarmistes apparaissent: infinançable, hors de prix, cela fera payer les bruxellois pour les navetteurs, on ne pourra plus investir dans le réseau… Aucun de ces arguments ne tient la route.

Tout d’abord, rappelons un chiffre. La gratuité du réseau actuel de la STIB coûterait à l’heure actuelle 208 millions par an. A cela s’ajoute l’accélération des investissements dans les alternatives à la voiture. Alors, qui va payer et comment? Plusieurs pistes sont possibles.

En s'appuyant sur les exemples étrangers, notamment français, une possibilité serait de mettre en place un versement forfaitaire domicile-travail, payé par les employeurs bruxellois (à l’exception des petites entreprises). Il faut savoir qu’une part élevée des ventes de billets et d’abonnements de la STIB est déjà prise en charge par les entreprises qui payent les déplacements à leurs travailleurs. L’idée serait de généraliser et collectiviser cette prise en charge. Selon nos calculs (tableau 1), si toutes les entreprises de plus de 20 salariés actives à Bruxelles finançaient la gratuité de la STIB, cela reviendrait à une cotisation d’environ 400€ par travailleur et par an. Cela signifie que pour les employeurs qui payent déjà l’abonnement à leurs travailleurs l’opération serait à somme nulle, voire avantageuse, puisque l’abonnement coûte près de 450€ au régime du tiers payant. Ce ne serait tout simplement qu’élargir ce qui existe déjà, à savoir le remboursement des trajets domicile-travail des employés qui représente déjà la moitié des recettes de la STIB à l’heure actuelle (tableau 2).

Tableau 1: Calcul du versement forfaitaire domicile-travail

Gratuité totale à offre équivalente

 

Emploi salarié en Région de Bxl-Capitale (2016)

620.000

dont entreprises de moins de 20 salariés

120.108

dont entreprises de plus de 20 salariés

499.892

Recettes ventes de titres de transport STIB

208.000.000 €

cotisation transport par emploi pour entreprises de plus de 20 salariés

416 €

 

Tableau 2: Ventilation des recettes selon le type d’abonnement

Type

Recettes (millions d'euros)

nombre

recette unitaire nette

commentaire

Abonnement STIB institutions publiques

6.421

15425

416.27 €

Entreprises publiques autres que les services publics régionaux

Abonnement MTB institutions publiques

4.596

10513

437.17 €

 

Abonnement STIB région

2.187

17574

124.45 €

Prix réduit pour les services publics régionaux bruxellois

Abonnement MTB région

1.346

5436

247.61 €

 

Abonnement STIB entreprises privées

5.209

12513

416.29 €

Ne concerne que les entreprises privées ayant une convention tiers payeur avec la STIB

Abonnement MTB entreprises privées

2.554

5843

437.10 €

 

abonnement personnel scolaire

0.264

961

274.71 €

 

abonnement scolaire

6.377

140953

45.24 €

 

abonnement annuel STIB

10.9

23471

464.40 €

Une partie de ces abonnements est déjà remboursée aux voyageurs par des employeurs qui n'ont pas de convention tiers payant avec la STIB

abonnement mensuel STIB

39.38

851901

46.23 €

 

abonnement MTB annuel

2.193

4661

470.50 €

 

abonnement MTB mensuel

6.045

136285

44.36 €

 

abonnement BIM annuel

4.132

52014

79.44 €

 

abonnement BIM mensuel

3.698

483952

7.64 €

 

abonnement 65+

3.202

57538

55.65 €

 

abonnement SNCB + STIB annuel

22.865

49155

465.16 €

Certainement en majorité déjà pris en charge par les entreprises privées, il s'agit de formules tarifaires correspondant à des navetteurs

abonnement SNCB + STIB mensuel

4.397

95122

46.22 €

 

abonnement SNCB + STIB trimestriel

1.584

12365

128.10 €

 

Total

127.35

 

 

 

 

Une autre piste est de revoir le système injuste des voitures de sociétés, qui évite aux entreprises de payer des cotisations sociales pour un montant de minimum 2 milliards par an et profite essentiellement aux populations les plus aisées. 80% des véhicules sont détenus par les 30% de belges les plus riches. C’est un dispositif qui favorise aussi très fortement l’usage de la voiture, puisque celui-ci est pratiquement gratuit via les cartes essence. Ainsi, on estime que 30% des véhicules entrant à Bruxelles aux heures de pointe sont des voitures de société. Plutôt que la mobilité privée et individuelle gratuite et profitant aux employeurs, nous pensons que cet avantage devrait disparaître, par l’extinction du dispositif avec la fin de la distribution de nouveau véhicules, et que les moyens devraient être reversés au transport public. Ce gain fiscal, engrangé au niveau fédéral, devrait être reversé au moins en partie à Bruxelles via l’accord de coopération Beliris. Vu les montants en jeu, cela permettra en outre de financer une augmentation de l’offre, nous y revenons dans le chapitre suivant.

C’est pourquoi, pour le PTB, la gratuité est finançable et doit être complète et non partielle comme envisagée notamment par Ecolo (pour les moins de 25 ans et les allocataires sociaux) ou le PS (seulement pour les Bruxellois). Ces propositions n’offrent en fait pas les avantages de la gratuité totale et ne sont donc pas des mesures efficaces pour qu’un report modal se fasse.

En effet, tout d’abord, les transports en commun payants ont aussi un coût. Ce sont les tickets, les portiques, les contrôles à payer, le suivi des amendes... Un coût de 10 millions par an (tableau 3) qui pourrait déjà être économisé.

 

Tableau 3: Ventilation des coûts du système payant des transports en commun en région bruxelloise en millions d’euros

Ventilation des coûts du système payant des transports en commun en région bruxelloise

millions d'euros

Les coûts de production des titres de transport de la STIB (par an) sont les suivants :

 

Carte MOBIB :

0,676

Ticket sans contact :

1,65

Divers (certification, matériel divers,...) :

0,102

Amortissement de la machine de production :

0,04

Les coûts engendrés par l’installation et l’entretien des bornes automatiques délivrant les titres de transport (par an) sont les suivants :

 

Maintenance des automates de vente :

1,3

Amortissement des automates de vente : 2,2 millions d’euros.

2,2

Les coûts engendrés par l’installation et l’entretien des portiques d’accès (par an) sont les suivants :

 

Maintenance des portillons : 1,5 million d’euros

1,5

Amortissement des portillons : 3 millions d’euros

3

Total

10,5

 

Maintenir le transport payant pour certains (touristes, navetteurs…) ou à certaines heures, c’est s’obliger à conserver le rapport marchand et l’ensemble de ces outils de contrôle coûteux à amortir sur un plus petit nombre de voyageurs. C’est aussi conserver la barrière sociale que représentent ces contrôles et toutes les conséquences en matière de convivialité dans les véhicules et les stations pour les voyageurs et le personnel. Pour qu’un report modal vers les transports en commun s’effectue de manière efficace, il faut faciliter la vie des usagers, et non garder ces systèmes de contrôle. On voit d’ailleurs que dans la ville de Tallinn, où les transports sont gratuits seulement pour les résidents de la ville, le report modal est moindre que dans les expériences de gratuité totale.

Il est aussi très étonnant de la part d’Ecolo de préconiser à l’heure actuelle la gratuité pour seulement certaines couches de la population (moins de 25 ans et les allocataires sociaux). Ce ne sont précisément pas ces couches qui utilisent le plus la voiture, c’est donc rater le coche du report modal. C’est d’autant plus étonnant de leur part étant donné que c’était justement l’argument qu’ils donnaient il y a encore quelques mois pour ne pas mettre la gratuité en place: cela va attirer des gens qui maintenant se déplacent à pied. Ils se contredisent donc eux-même...

Enfin, l’argument selon lequel les plus aisés devraient continuer à payer le transport en commun puisqu’ils en ont les moyens n’est pas valable non plus. Tout comme l’école publique et la santé doivent être gratuites pour tous, l’objectif est de permettre à tous de se déplacer, quelle que soit la classe sociale. Le financement de ces services publics par une imposition juste et progressive implique de toute façon que chacun y contribue selon ses revenus et son capital.

La gratuité est efficace quand l'augmentation de la qualité se fait en parallèle

La gratuité a donc un effet. C’est créer un appel d’air, attirer les automobilistes dans les transports en commun et recréer un vrai service public, social et collectif.

En parallèle il est essentiel d’améliorer la qualité du réseau de transport et offrir un service public performant. Il faut fidéliser les usagers à l’utilisation des transports en commun pour qu’ils puissent se passer définitivement de leur voiture et augmenter les capacités pour être à même de déplacer ces nouveaux voyageurs. Des investissements seront donc nécessaires dans l’amélioration à la fois des capacités de transports mais aussi dans l’aménagement urbain.

Ces améliorations de l’offre peuvent prendre différentes formes.

Il s’agit d’abord de sortir les véhicules de transport public de la circulation automobile, en aménageant des sites propres et en régulant les carrefours et autres noeuds routiers pour augmenter les vitesses des bus et trams. Ainsi à Bruxelles, en moyenne, les encombrements augmentent les temps de parcours de ces véhicules de 25%. Ces taux sont bien sûrs plus élevés aux heures de pointe. Ces bus et trams bloqués sont autant de véhicules qui pourraient participer à une hausse de l’offre de transport en commun à moindre frais s’ils étaient sortis des bouchons. A Dunkerque, de gros travaux ont ainsi été réalisés pour aménager des bandes bus prioritaires, des feux prioritaires, des pistes cyclables bien sécurisées, … cela a permis un gain de temps et d’efficacité des trajets en bus en plus d’avoir augmenté le nombre de bus (+ 10%). La gratuité totale a été instaurée dans le même temps que l’offre a été augmentée et améliorée.

D’autres mesures pourraient être prises immédiatement, comme permettre à tous les détenteurs d’abonnements ou tickets “STIB” d’avoir accès à tous les autres réseaux de transports en région bruxelloise (De Lijn, TEC, SNCB). A Bruxelles, de nombreux bus interrégionaux (De Lijn, TEC) ou de trains circulent à moitié vides faute d’être accessibles aux voyageurs de la STIB et faute d’informations cohérentes inter-opérateurs. C’est donc une capacité disponible immédiatement, et qui ne coûte rien en plus, car ces bus et trains roulent déjà. Cette mesure permettrait  à un tiers de Bruxellois de gagner du temps dans leurs déplacements en transport en commun en combinant les offres des différents opérateurs.

Le PTB a déjà déposé une résolution au parlement bruxellois qui n’a été soutenue par aucun autre parti. Les partis traditionnels (MR, NVA, PS, CdH, Ecolo, ...) ont voté contre. Seuls des députés de Groen se sont abstenus en séance plénière. Pourtant avec cette simple mesure, et le fait de promouvoir les différents réseaux auprès des usagers, cela permettrait déjà un report modal de 5% de l’utilisation de la voiture vers les transports en commun. Dans une ville saturée comme Bruxelles, 5% fait la différence entre un embouteillage ou pas. De quoi donner déjà de l’oxygène et permettre un aménagement de nouvelles bandes bus prioritaires par exemple.

De même, l’amélioration de l’offre ferroviaire intra-bruxelloise peut dans un premier temps se faire à peu de frais, en ouvrant de nouvelles haltes, en communiquant mieux sur l’offre existante et en améliorant les fréquences, notamment en heures creuses, le week-end. Le train est de loin le moyen le plus rapide pour se déplacer, y compris à l’intérieur de la ville. Les premiers résultats de l’ouverture de nouvelles gares et de la hausse de l’offre sur certains axes témoignent du potentiel du rail à l’intérieur de Bruxelles, malgré l’absence d’intégration tarifaire, d’offre RER complète et de gratuité. Entre 2015 et 2018, le nombre de voyageurs dans la capitale a augmenté de près de moitié (44%).

Bien sûr, il s’agira aussi de continuer à investir dans le réseau de la STIB lui-même, au niveau du bus, du tram et du métro. Là aussi la hausse et l’amélioration de l’offre va de pair avec une hausse du nombre d’usagers.

Sur de nombreuses lignes de bus, il est possible d’augmenter les fréquences et capacités. Dans ce cadre, nous plaidons pour une application immédiate du plan directeur bus de la STIB, qui doit être un premier pas vers d’autres ouvertures de lignes et améliorations de fréquences. Ceci doit aller de pair avec un renouvellement du parc vers des véhicules moins polluants, bien que le bus, même avec un moteur classique est d’ores et déjà bien moins nuisible que l’automobile.

Là où l’offre en bus est saturée, par exemple sur les lignes 71 ou 95, sur la chaussée de Ninove, vers Neder-Over-Heembeek ou sur les axes de seconde ceinture ouest (Boulevards Mettewie, de Smet de Naeyer et Prince de Liège), de nouvelles liaisons en tram doivent être envisagées pour répondre à la demande croissante des bruxellois.

Le PTB est favorable aux extensions du réseau souterrain, métro ou pré-métro. Le PTB estime par exemple que la mise en place du métro nord sera nécessaire pour absorber l’appel d’air que va provoquer la gratuité. C’est le moyen de transport le plus rapide et avec les plus grandes capacités. 400 000 voitures circulent chaque jour à Bruxelles, transporter une grande partie de ces automobilistes demandera d’augmenter fortement les capacités de transport. Cela n’empêche pas de rester critiques sur certains aspects du plan actuel:

  • le projet ne doit pas bloquer les investissements ailleurs sur le réseau de la STIB.
  • le financement du métro ne peut pas se faire via un partenariat public privé (PPP). Ces partenariats finissent toujours par coûter trois fois plus cher que les estimations initiales, mettant à mal les finances publiques et reportant le coût sur les usagers comme avec la taxe diabolo pour les trajets SNCB jusqu’à l’aéroport.
  • nul besoin d’une station à Stalingrad, elle serait trop proche de celle de la gare du midi et d'Anneessens. Elle engendrerait des travaux inutiles pour les commerçants. Sa suppression pourra en outre réduire les coûts.
  • le tram 55 à Schaerbeek est à maintenir, les habitants en ont besoin pour les trajets inter-communaux.

Enfin, c’est dans la première couronne autour de la région bruxelloise que l’utilisation de la voiture pour se rendre au travail est la plus forte. Au delà de cette couronne, le train devient une offre plus attractive. Le défi est donc de développer les transports en commun de et vers Bruxelles dans cette couronne. Pour le moment ce sont des bus qui assurent la plupart du temps les trajets et la performance du réseau actuel de bus interrégionaux, est trop faible du point de vue des fréquences et de la vitesse commerciale. Une solution à cela serait notamment la prolongation du réseau de la STIB (trams) au-delà des limites régionales et l’interconnexion de la proche périphérie par des lignes circulaires.

C’est une vision métropolitaine de la mobilité, elle nous apparaît nécessaire pour offrir à tous les travailleurs de la première couronne une alternative rapide à la voiture.

Par ailleurs, une ville débarrassée d’une partie de sa circulation automobile sera aussi plus conviviale pour les déplacements piétons et cyclistes, qui sont d’autres alternatives indispensables et peu coûteuses à l’automobile.

Projets à financer pendant la prochaine législature

Montant

Doublement des investissements de la STIB dans le matériel roulant pour augmenter l’offre de 50% d’ici 2025.

1 milliard d’euros

Nouvelles lignes de tramways (lignes 71, 95 et grande ceinture ouest.

500 millions d’euros

Réaménagement des noeuds ferroviaires bruxellois

2 milliards d’euros

Extension des lignes de transport en commun en proche périphérie

1 milliard d’euros

Mise en oeuvre accélérée du RER vélo

100 millions d’euros

 

Rappelons que ces projets s’ajoutent bien sûr aux investissements déjà financés dans le cadre du programme pluriannuel d’investissement de la STIB, au projet BrabantNet de De Lijn, au financement par Beliris d’une partie des lignes du RER vélo et aux investissements de la SNCB dans la finalisation du RER autour de Bruxelles.

Pour financer ces investissements supplémentaires, de nombreuses pistes existent.

Revenons d’abord sur la disparition du régime des voitures de sociétés, qui permettra à l’Etat de récupérer, au moins en partie, le manque à gagner fiscal injuste qui bénéficie aux entreprises et nuit à la mobilité dans toute la Belgique et à Bruxelles en particulier.

D’autres ressources potentielles sont l’arrêt des investissements coûteux dans les infrastructures de transport routier, comme l’élargissement du ring (1 milliard) qui va y augmenter la circulation de 30% selon les chiffres de la région flamande, ou les parkings de dissuasion à l’intérieur même de Bruxelles alors que la SNCB développe en parallèle un RER censé favoriser l’usage du rail depuis la périphérie. La pollution n’a pas de frontière, les voitures qui circulent autour de Bruxelles faute d’alternative empoisonnent aussi la santé des bruxellois.

Enfin, il faut rappeler que les embouteillages ont un coût pour la société, estimé par le patronat à 4 à 8 milliards par an. Même les multinationales le reconnaissent, la mobilité individuelle coûte bien plus cher que la mobilité collective. Il serait donc même dans leur intérêt de financer la gratuité et l’augmentation de l’offre. Les montants perdus dans la congestion seraient récupérés indirectement, en baisse des coûts pour les entreprises publiques et privées (consommation de carburants, temps perdu pour les travailleurs et les marchandises...), les pouvoirs publics, notamment au niveau de la santé publique. Pour rappel, une baisse de 10 % du nombre de véhicules en circulation réduirait de 40% les embouteillages.

En utilisant les leviers envisagés, il serait donc possible de rendre le transport gratuit ET de continuer à y investir.

Situation et projets actuels

Montants en jeu

Projets alternatifs

Elargissement du ring

1 milliard d’euros

Extension de l’offre de transport en commun en proche périphérie.

Régime des voitures de sociétés

minimum 2 milliards d’euros par an en Belgique

Augmentation du parc de véhicules et du personnel de la STIB.

Parkings de dissuasion aux entrées de Bruxelles

600 millions d’euros

Extension des lignes de tramways à Bruxelles

Coût des embouteillages

4 à 8 milliards d’euros par an

Refinancement de la SNCB et investissements dans le réseau, notamment dans et autour de Bruxelles.

Sur base des projets actuels, pour mener une politique plus ambitieuse à même de faire baisser l’usage de la voiture, on peut estimer qu’il faudrait doubler les montants d’investissements prévus actuellement, pour les porter à 2 milliards par an au minimum à l’échelle métropolitaine, c’est-à-dire Bruxelles et sa périphérie. Ceci implique par ailleurs de sortir du carcan des traités européens d’austérité, qui bloquent l’investissement public ou les pousse vers les partenariats publics privés bien plus coûteux pour l’Etat à long terme.

En conclusion

On le voit, revendiquer la gratuité des transports en commun est un enjeu social, politique et environnemental.

Malgré les mythes et discours techniques, politiques et économiques qui décrédibilisent cette mesure, nous faisons la preuve que la gratuité des transports publics, dans un premier temps dans les plus grandes agglomérations, est efficace, bénéfique à la population, juste socialement et finançable sans difficulté.  C’est un outil pour rendre nos villes plus durables pour l’environnement et le climat et moins inégalitaires, en limitant les déplacements automobiles et leurs conséquences et en permettant à tous de se déplacer.

La gratuité du transport public n’est pas qu’une question de mobilité, c’est aussi un enjeu de droit à la ville et d’arrêt de la marchandisation. C’est un premier pas nécessaire contre la ville néolibérale qui s’oppose, marginalise et exclut les plus vulnérables. La mobilité n’est pas qu’une question technocratique réservée à des spécialistes des mathématiques et de l’économie, et basée sur des analyses de flux. C’est une question de rapport de force et de lutte politique et de revendication du droit à une autre société. Cette revendication doit aller de pair avec celle de logements abordables et publics aux abords des lieux de transport, d’accessibilité aux services publics de bases pour tous, de non-discrimination à l’embauche pour des raisons de mobilité.

 

La gratuité des transports... les paroles et les actes

Il ne faudra pas se laisser endormir par les belles paroles des “nouveaux convertis” à la gratuité qui courent après nos idées, tels le CdH, le PS ou Ecolo, qui il y a quelques mois encore jugeaient l’idée absurde. Comme pour d’autres dossiers, tel le contrôle des loyers, ces revendications seront vite oubliées une fois retrouvés les sièges gouvernementaux, au profit de leur ligne classique, qui les a amenés à augmenter les prix des billets de la STIB de plus de 50% entre 1995 et 2012, soit 25% plus vite que l’inflation ou l’évolution des salaires des bruxellois (image 1). Et dans le test électoral, on voit d’ailleurs déjà que les lignes reviennent en arrière (image 2).

La meilleure garantie pour la mise en place de la gratuité des transports c’est de renforcer la force politique qui tire vers la gauche, à savoir le PTB.

Image 1. Evolution des tarifs de la STIB suivant les législatures

 

Image 2: Positionnement des partis sur la gratuité de la STIB dans le test électoral de la RTBF