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Fermetures des homes Orpea : le personnel et les résidents veulent de la sécurité, de la transparence et du respect

Fermetures des homes Orpea : le personnel et les résidents veulent de la sécurité, de la transparence et du respect

Orpea, l'opérateur commercial de maisons de repos, veut fermer dix résidences en Belgique, dont sept à Bruxelles. La multinationale essaie de calmer, par de vagues promesses, l’incertitude et la colère qui montent chez les travailleurs, les résidents et leurs familles. Mais la méfiance du personnel est grande suite au récent scandale qui a mis en lumière de nombreux dysfonctionnements au sein du groupe.

L'incertitude domine chez le personnel et les résidents, peu rassurés par les promesses de la multinationale

Après avoir annoncé la fermeture de 10 de ses maisons de repos, dont 7 à Bruxelles et 3 en Flandre, la direction d’Orpea Belgique a déclaré vouloir maintenir l'emploi et les soins pour toutes les parties concernées. Lors du conseil d’entreprise extraordinaire du 16 février, l’entreprise a mis son plan d’avenir sur la table. Ce plan propose d’investir 90 millions d’euros dans les soins, dans le parc immobilier, la digitalisation et l’extension de l'offre de soins spécialisés pour les personnes souffrant de démence en Belgique. Mais la multinationale n’est pas prête à financer ce plan elle-même et suggère de faire appel à un investisseur supplémentaire, qui pourra décider de licencier ou de restructurer à sa guise. En attendant le conseil d’administration de la maison-mère d’Orpea à Paris le 14 mars, les travailleurs sont inquiets et demandent des garanties.

Leur première préoccupation est de savoir si tout le monde va bel et bien garder son emploi. “Il n’y aura jamais de place pour tous les ouvriers, témoigne une ouvrière, car chaque résidence a déjà son équipe d’entretien, chaque maison a son équipe de cuisine. C’est un leurre… Je pense déjà chercher une place ailleurs”, explique-t-elle. Malgré les promesses d’Orpea de maintenir l’ensemble de l’emploi, actuellement il n’y a pas de réelles garanties, ni de plan clair.

De nombreux travailleurs se questionnent aussi sur les conditions de leur relocalisation : “Comment va-t-on être relocalisé ? Sur base de quels critères ? Je crains beaucoup qu’il y ait une trop grande distance entre mon domicile et mon nouveau lieu de travail, s’inquiète une travailleuse de la résidence Jardin de Provence. On a organisé toute notre vie sur base de notre lieu de travail : l’école des enfants, nos loisirs, parfois aussi notre logement et maintenant tout est bousculé. Nous allons subir de gros changements dans notre vie personnelle à cause d’ORPEA, comment vont-ils nous dédommager tous ?”, demande-t-elle. Pour le moment, la direction d’Orpea Belgique laisse planer l’incertitude.

Une déléguée syndicale raconte la confusion qui règne dans les maisons de repos actuellement : “Des travailleurs ont peur d’être mis sur la touche, car les directions locales des résidences sont en train de prévoir des plans en choisissant les travailleurs qui vont les suivre. Dans de nombreuses maisons de repos, les résidents commencent déjà à partir sans attendre d’être relocalisés.” explique-t-elle. C’est irresponsable de la part d’Orpea d’annoncer des fermetures sans proposer en même temps un plan et des balises claires pour les résidents et les travailleurs. Combien de places y a-t-il ailleurs pour les résidents ? Combien d’emplois pour les travailleurs ? Dans quelle maison de repos ?

Les travailleurs et travailleuses ainsi que les résidents sont aujourd’hui victimes de la course au profit d’Orpea

Pour Jan Busselen, député PTB à Bruxelles, “quand on écoute les travailleurs, ce qu’ils veulent c’est de la sécurité, de la clarté et du respect pour eux-mêmes et pour les aînés dont ils s’occupent. Aujourd’hui, les travailleurs vivent l’annonce comme une claque de la direction, un grand manque de respect. Les cuistos, le personnel d’entretien et administratif, les aides soignantes et les infirmières aiment leur métier, malgré des conditions de plus en plus difficiles. Ils font un métier indispensable, leur emploi doit être garanti aux mêmes conditions, défend Jan Busselen. “Y aura-t-il un dédommagement pour les dégâts causés par ces fermetures ? Pourquoi ce serait encore une fois à ceux qui prennent soin de nos aînés de payer ?", ajoute-t-il.

Ces demandes sont tout à fait légitimes et réalisables quand on connaît la situation financière des actionnaires du groupe (voir ci-dessous). Il y a de l’argent au sommet de la pyramide d’Orpea, la question est de savoir s’il va être investi dans l’humain pour améliorer les conditions de travail et la qualité des soins ou s’il va continuer d’aller faire grossir le portefeuille des actionnaires.

Les actionnaires d’ORPEA se portent très bien

Si Orpea a bien des difficultés de liquidité, le groupe continue cependant à faire des bénéfices plantureux. En 2022, le livre de Victor Castanet, “Les Fossoyeurs”, dévoilait les pratiques scandaleuses du groupe à l’égard des travailleurs et de nos aînés. Ce livre a eu un impact considérable sur les actions cotées en bourse d’Orpea. Depuis, Orpea ne parvient plus à obtenir des crédits sur les marchés financiers et ses créanciers mettent le groupe sous pression pour qu’il entreprenne des changements structurels afin de rassurer les investisseurs. Cependant, malgré la crise boursière traversée par l’entreprise, l’activité réelle d’ORPEA n’a pas faibli, avec un chiffre d’affaire de 2,3 milliards d’euros en 2022 (en croissance de + 10,9 % par rapport au premier semestre de 2021).

En 5 ans (2016-2021), pas une année n’a été en déficit : l’entreprise a même accumulé près de 1 milliard d’euros de bénéfices nets. De cette somme, elle a versé 268 millions d’euros aux actionnaires. Notons aussi que le groupe ORPEA est très actif dans l’immobilier et détient un patrimoine immobilier d’une valeur de 8,5 milliards d’euros. La filiale belge n’est pas en reste. Ces 5 dernières années, ORPEA BELGIUM a cumulé plus de 30 millions d’euros de bénéfices. La situation a été favorable financièrement et l’entreprise n’a pas de raisons de faire payer les travailleurs pour rassurer les actionnaires.

Il faut aussi savoir que Jean-Claude Marian, le fondateur d'Orpea, est devenu multimillionnaire grâce à ce qu’on appelle ‘l'or gris’. Le français a introduit sa société en bourse et s'est installé en Belgique il y a quelques années pour bénéficier d'avantages fiscaux. Son patrimoine est aujourd’hui estimé à une fortune de 700 millions d'euros. Les profits que M. Marian et d'autres actionnaires ont pu faire toutes ces années, ils les doivent aux travailleurs et aux résidents. Avec des salaires bas pour le personnel, avec des contrats précaires, avec des taux d'emplois aussi bas que la législation le permet. La fermeture de 10 MRS est injustifiée et elle répond à une logique de profit où les travailleurs sont jetées comme de vieilles chaussettes.