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Harcèlement à la police : lettre ouverte des conseillers PTB de la ville de Bruxelles à monsieur le Bourgmestre Philippe Close

Harcèlement à la police : lettre ouverte des conseillers PTB de la ville de Bruxelles à monsieur le Bourgmestre Philippe Close

Il y a des témoignages qui vous glacent le sang. C’est le cas de ceux relayés dans le reportage de la RTBF diffusé mercredi soir: “Harcèlement à la police, le grand malaise”. Harcèlements psychologiques, insultes racistes, violence verbale, violence sexuelle. Des femmes et des hommes policiers qui ont vu leur carrière brisée car ils ont osé porter plainte ou ont interpellé leur hiérarchie pour dénoncer des actes racistes ou sexistes. 

Pas ou peu de sanctions disciplinaires. L’impunité la plus totale. Un inspecteur principal qui travaille toujours dans une des zones de Bruxelles alors que la justice a qualifié ses actes de harcèlement sexuel. Une culture du silence tellement ancrée que ceux et celles qui osent parler vont se retrouver seuls dans un parcours du combattant face à un corps de police décrit comme “un grand muet”. 

Un mutisme de la part du monde politique. Pire, une femme policière témoigne de la réponse d’un bourgmestre: Il m’a dit que j’étais demandée parce que j’étais belle et présentable.

Au fur et à mesure du reportage, on comprend à quel point la loi du silence est plus fort que tout. On comprend à quel point le mot justice n’existe pas pour ceux et celles qui ont eu la force de porter plainte contre leur collègue, leur supérieur hiérarchique. 

Au fur et à mesure du reportage, on comprend aussi qu’il ne suffira pas de deux ou trois aménagements mais d’une révolution en interne pour tout changer.

Et quand on pense avoir tout vu, il y a l’interview  du chef de corps de la zone Bruxelles-Nord. A la question: “1 femme sur 4 se dit victime de harcèlement sexuel pendant sa carrière de policier: c'est quand même des chiffres qui interpellent?” Il répond que oui. Il sourit. Il rit. L'indécence aurait pu s’arrêter là. Mais il continue et sur un ton paternaliste il explique que “le problème c’est qu’il faut que ces personnes osent en parler, osent mettre des mots par rapport à ce qu’il leur arrive”.

Victime Blaming. On connaît la suite. Pourtant c'est justement l'absence de condamnations qui poussent les femmes à ne pas porter plainte. C’est vrai pour les femmes policières. C’est vrai pour toutes les femmes. Beaucoup d’entre elles craignent en effet de ne pas être crues. Dans certains commissariats de police, les femmes doivent aller porter plainte jusqu'à quatre reprises avant que la police dresse enfin un procès-verbal. Si ceux qui doivent recueillir leurs plaintes sont eux-mêmes dans une telle banalisation de la violence sexuelle: cela n’est pas prêt de changer.


Monsieur le Bourgmestre:

La zone de police de Bruxelles-Ixelles n’est pas épargnée par cette situation. Il y a des harceleurs connus dans la zone de la police de Bruxelles-Ixelles. Aucune plainte n’aboutit au tribunal du travail. Car une fois dans les mains du Directeur général fonctionnel, la plainte est cachée. Et il est conseillé aux femmes de ne pas porter plainte car cela doit rester confidentiel. Sous la pression, certaines femmes cèdent en espérant que cela s’arrête mais il y a toujours de nouvelles recrues, de nouvelles proies. 

Il y a aussi plusieurs plaintes contre des actes racistes récurrents relayés à votre cheffe de cabinet qui n’a pas donné suite. Les délégations syndicales ont plusieurs fois relayé ce point mais ils n’ont pas reçu de réponse de votre part. Idem pour la création d’une cellule diversité: une demande syndicale qui date d’avril 2018 mais les moyens ne suivent pas. Les syndicats témoignent d’une discrimination structurelle et endémique au sein de notre zone de police mais aucune politique ambitieuse de lutte contre la discrimination n’est mise en place par les autorités.

Récemment, nous vous avons interrogé sur des actes de violence de la police envers la population. Des questions auxquelles nous n’avons toujours pas eu de réponses car une “enquête est en route”. Nous attendons aujourd’hui des réponses plus fermes, plus précises, plus rapides. 

Il faut que cette situation cesse. Il faut mettre un terme à cette impunité. Nous demandons:

Une enquête indépendante pour dresser un état des lieux sur l’ampleur du harcèlement sexuel et des discriminations racistes dans notre zone de police ;

Une tolérance zéro et une politique de sanction qui ne banalise plus les comportements sexistes et racistes ;

Un plan structurel pour lutter contre le harcèlement sexuel et le racisme ;

Un plan de formation interne pour lutter contre le sexisme et les violences faites aux femmes ;

Une cellule indépendante spécialisée dans le harcèlement sexuel interne composée de représentants du monde associatif actif sur les droits des femmes et de représentants syndicaux ;

Un état des lieux de la proportion hommes/femmes dans chaque service de la police pour identifier les services dans lesquels il y aurait une sous-représentativité de femmes.

Mathilde El Bakri, Riet Dhont et Bruno Bauwens