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Le budget régional de la nouvelle majorité : un "budget d'austérité progressiste"

Le budget régional de la nouvelle majorité : un

Aujourd’hui, le parlement bruxellois discutait du budget de la Région en séance plénière. Le PTB a fait grincer des dents parmi les députés de la Majorité. Le parti de gauche a parlé d’un “budget d’austérité progressiste” et a dénoncé le choix du gouvernement de faire payer les ménages pour ne pas toucher aux gros revenus. Voici le discours qu'a tenu à la tribune Françoise De Smedt.

Monsieur le Ministre Président, 

Mesdames et Messieurs les ministres,

4180 personnes sont sans abris à Bruxelles. Plus de 600 personnes vont mourir prématurément cette année à cause de la pollution. Ces situations sont la pointe de l'iceberg de tous les problèmes que rencontrent les familles dans notre région. 

Nous avons besoin d'investissements : pour le logement, pour le climat, pour de l'emploi de qualité, pour revaloriser les salaires des agents de la fonction publique, du personnel de nos hôpitaux, pour des écoles, pour des maisons médicales dans tous les quartiers, pour rénover les égouts, pour créer des pistes cyclables, pour avoir des espaces verts, pour avoir des homes publics payables par les familles, pour avoir des services de proximité partout, pour avoir des trams, des bus, un métro financé par les pouvoirs publics et pas un PPP, pour réaliser des plans massifs d'isolation des logements, ...

Ca c'est le plan si on veut s'en sortir.

Sauf que ces investissement publics sont rendus impossibles par les règles européennes. 

Et qui dit investissements impossibles, dit vivre avec moins que ce qu'il faut pour répondre aux besoins des gens.

Donc oui c'est bien un budget d'austérité qui nous est présenté pour 2020, même si ça ne vous plaît pas d'entendre ça, c'est pourtant la réalité. Comme je l'ai déjà dit lors de l'ajusté, on va vous faire plaisir parce qu'on est des gens capables de mettre de l'eau dans notre vin et on va l'appeler le budget d'austérité progressiste du gouvernement bruxellois.

C'est un budget d'austérité parce que cette austérité elle est coulée dans le marbre des traités que tous les partis ici ont voté en 2013. Comme le disait déjà mon camarade Michael Verbauwhede en 2016 : ces carcans budgétaires et comptables européens sont des chaînes. Elles sont terribles pour la population, pour ses besoins et pour l'économie. Il ne s'agit pas d'en négocier le poids, mais de s'en libérer! 

C'est donc un budget d'austérité parce que vous acceptez ces règles européennes, vous ne comptez pas vous en libérer. il y a une phrase que vous avez tous répété dans les différentes commissions “on verra si le cadre budgétaire le permet” qui démontre bien que les chaînes sont bien là. C'est un budget d'austérité parce que vous ne voulez pas faire d'autres choix, comme ceux d'aller chercher l'argent là où il est en train de s'accumuler de manière scandaleuse. L’organisation Oxfam le rappelait il n’y a pas si longtemps: Albert Frère pesait à lui seul autant financièrement que 2,2 millions de belges !

Vous ne faites pas ce choix et il ne vous reste alors pas beaucoup d'options :

Premièrement, vous faites des économies dans différents départements. On le voit par exemple chez actiris qui se voit couper de plus de 30 millions. Vous annoncez une réforme des titre services parce que vous estimez que le coût est trop lourd pour la région. Je vous cite : « Il faut donc préserver ce mécanisme de mise à l’emploi tout en balisant le cadre budgétaire. »

Mais dans quel sens allez-vous aller Mr Clerfayt ? Baliser le cadre budgétaire, ça veut dire quoi ? Augmenter la valeur des titres ? Avec le risque que cela pousse à nouveau au travail au noir? Est-ce que c’est cela que vous voulez?

Deuxièmement vous reportez des décisions au printemps. En quoi dans six mois y aura-t-il des miracles si vous continuez toujours dans la même direction ? Reporter c'est surtout le signe que les promesses de juillet ne tiennent pas faute de budget, que les promesses font plouf sauf que vous n'avez pas trop envie de le dire tout de suite...

  • Il y a la gratuité de la STIB pour les moins de 25 ans et les plus de 65 ans, pas moyen de trouver les 20 millions à l’heure actuelle. Et un nouveau rebondissement : vos déclarations Mr Clerfayt où vous dites que ce qui est gratuit n'a pas de valeur et que vous êtes donc contre cette gratuité. Mais l’air est gratuit Mr Clerfayt, et il est vital, il a donc de la valeur! Et si vous vouliez bien vous déplacer jusque Dunkerque pour y voir les bienfaits des transports gratuits, vous verriez que les incivilités baissent fortement, vous verriez que les gens abandonnent leur voiture, vous verriez que le gratuit a énormément de valeur! 
  • Voilà près de deux longues années aussi que le personnel des ALR se sont mobilisés autour d’une série de revendications afin d’améliorer leurs conditions de travail ainsi que leurs salaires qui sont inférieurs à ceux de leurs collègues en Flandre et en Wallonie. La dernière étude de Solidaris le confirme, la pauvreté est croissante y compris parmi les travailleurs. Les plus bas salaires des ALR maintiennent ces ouvriers et employés dans la précarité, c’est pourquoi le PTB a fait une proposition de résolution qui supprimerait le niveau E, le niveau salarial le plus bas. Nous avons vus les travailleurs aux portes du Parlement, aussi dans les tribunes, ils étaient encore là aujourd'hui. Le gouvernement ne peut plus ignorer leur combat, les lignes ont d'ailleurs bougé lors de la déclaration d'octobre où enfin vous avez parlé des revendications des travailleurs. 

Monsieur Clerfayt, durant la réunion de la Commission des affaires intérieurs du 26 novembre, vous y avez déclaré, je cite  « la revalorisation barémique des agents de la fonction publique locale est une demande légitime », vous y avez annoncé, je cite « … tenter d’apporter une réponse aux revendications émises par les syndicats… ». Pourtant, rien n’a été prévu dans votre budget pour satisfaire ces revendications que vous qualifiez à juste titre de légitimes. Vous justifiez l’absence d’augmentation de crédits pour les ALR par, je cite à nouveau « Le Gouvernement, qui a récemment rencontré les syndicats, se prononcera avant la fin de l’année sur les marges budgétaires qui pourront être dégagées lors de l’ajustement ». En bref, la position du gouvernement est ambigüe, il souffle à la fois le chaud et le froid.

Au PTB, nous accordons beaucoup d’importance aux Services Publics, ceux-ci contribuent à une saine répartition des richesses en offrant des services de qualité à la population. Afin de fournir ces services, les conditions de travail et les salaires doivent aussi être de qualité parmi le personnel. Dans une des régions les plus riches d’Europe, le gouvernement doit cesser de traîner les pieds lorsqu’il s’agit de garantir des conditions de travail correct à son personnel.

Quid également de vos promesses de l'élargissement de la garantie jeune? Nous avons beaucoup de critiques sur ces mécanismes mais force est de constater que vous n’arrivez pas à tenir vos promesses...

Troisièmement, vous allez faire payer les familles bruxelloises.

Je vais citer ici un humoriste français qui s'appelle Félix Lobo. Il a dit une phrase que je n'ai pas pu m'empêcher de reprendre tellement je trouvais qu'elle vous collait bien à la peau, elle est taillée sur mesure pour ce budget d'austérité progressiste. Je l'ai juste adaptée un tout petit peu à la réalité de chez nous. Je le cite donc : « Nous vivons dans un monde où ceux qui vivent avec 10 000 euros par mois persuadent ceux qui gagnent 1800 euros que c'est à eux de payer pour ceux qui vivent avec 800 euros. » et j'ajouterai : « alors que la vraie question c'est que c'est à ceux qui gagnent des millions de contribuer pour tout le monde ».

Parce que c'est exactement ce que vous faites, persuader ceux qui gagnent 1800 euros de payer la note!

a) Vous les persuadez en n'agissant pas pour faire baisser les loyers.

Vous les persuadez en continuant à attaquer leur pouvoir d'achat parce que la crise du logement abordable continue. 

Vous faites le choix de leur faire payer des loyers qui ont augmenté de 20% au dessus du coût de la vie. Vous faites ce choix alors que des solutions qui ne coûtent rien existent. Rendre la grille des loyers contraignante pour faire baisser les loyers. 

Vous faites le choix de leur faire payer des loyers trop chers parce que le taux de logements sociaux n'augmente pas en suffisance.  

Vous nous avez promis 235 logements réceptionnés en 2020.

Alors j'ai été voir sur base du tableau que vous nous avez fourni Madame la Secrétaire d'Etat, de quels projets on parle exactement, parce que je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois... et donc j'ai fait un petit calcul...

Sur les quelques 230 logements que vous annoncez donc pour 2020, j'ai compté 127 logements sociaux et puis encore 38 logements clé sur porte dont on ne sait pas très bien ce que ce sera...

Donc 127 logements sociaux pour 2020... Comment enrober les choses pour au final faire comme d'habitude... Comment faire de grandes déclarations et puis dans la réalité faire plouf... 127 logements en 2020, c'est certain que ça va ravir les 43 000 familles qui attendent un logement social !

En 2004 et 2013, on nous a promis au total 9000 logements produits par la SLRB. 15 ans plus tard on est loin du compte. En 15 ans, 110 logements sociaux ont été produits par an en moyenne. Vous promettez de finir les 6400 logements cette fois... mais à un rythme pareil on risque de ne pas y arriver non plus ... 

Pourtant une manière d'accélérer les choses serait d'imposer aux gros promoteurs, non pas 15% à finalité sociale, mais 30% de logements sociaux via les charges d'urbanisme dans tous les grands projets immobiliers, et ceux-ci financés par les promoteurs. Et certainement aussi au niveau de la reconversion du million de m2 de bureaux vides. Ca non plus ça ne coûterait rien aux pouvoirs publics ! Mais non, vous choisissez de les laisser faire flamber les loyers à Bruxelles, vous choisissez de leur déployer le tapis rouge des profits … 

Hier, nous avons appris que le projet à la Porte de Ninove était recalé par la commission régionale de développement parce qu’il ne répond pas aux besoins des habitants. Et l’article dans la presse conclut de manière très nette: « L’avis de la CRD est sans équivoque et rejoint la voix des habitants et des nombreuses instances qui ont désapprouvé le projet. Si le Gouvernement régional fait le choix d'aller à l'encontre de cet avis, ce sera, sans équivoque également, au seul bénéfice des promoteurs immobiliers. » Tout est dit Monsieur le Ministre Président. 

Vous prévoyez un million de plus pour l'allocation loyer, mais c'est ce qui était déjà prévu la législature précédente, rien de révolutionnaire là-dedans, ni de quoi trouver ces fameuses 15 000 solutions pour les familles sur liste d'attente. 

b) vous les persuadez en augmentant le prix de l'eau. 

Pourtant Antonia ne s'en est déjà pas sortie avec les tarifs actuels : 

« Mes problèmes ont commencé il y a 5 ans. Mon ancien compagnon et moi on avait pris un appartement en location. A l’entrée, on se rend compte que la chasse fuit. Il n’y avait pas eu d’état des lieux d’entrée et donc pendant plus d’un an on a envoyé des mails au propriétaire qui s’engageait, qui disait qu’il allait faire le nécessaire et tout ça. Et puis, un jour, boum, la facture arrive: 1600 euros à payer. On essayait de limiter les dégâts en coupant l’arrivée d’eau mais c’est compliqué quand tu as de la visite. Les gens n’y pensent pas. Finalement, je suis convoquée devant le Juge de Paix pour cette facture. J’y vais avec mon fils qui n’allait pas encore à l’école à l’époque. L’avocat d’Hydrobru était en retard alors le Juge me demande d’attendre ailleurs car le petit faisait trop de bruit. L’avocate arrive, je lui explique ma situation, que le propriétaire est en cause et elle me propose de demander elle-même un report d’audience. Je me suis dit « super » et puis, ... je suis condamnée par défaut. A ce moment-là, je suis sur le cul. Je me retrouve avec un huissier et des frais en plus.

Quand je me suis installée dans mon nouveau logement, j’ai dû prendre l’eau à mon nom. Un peu après, ils sont venus pour me couper. 

Je pense qu’il y a des besoins fondamentaux, des besoins vitaux et qu’il faudrait faire un effort par rapport à cela. Je pense qu’il y a suffisamment de taxes et d’impôts pour récupérer. L’eau, c’est vital et un minimum d’électricité aussi. Il faut permettre aux gens de mener une vie décente quels que soient leurs moyens et quelle que soit leur situation. J’avais l’impression qu’il y avait vraiment une volonté de nous enterrer vivants. » 

1014 coupures en 2018... et cela risque donc de bien empirer...

Vous commencez avec une petite indexation, « oh ben oui, 5 euros c'est pas si grave », pour ouvrir la porte ensuite à des augmentations sans doute beaucoup plus fortes... Parce que ce sont des millions à trouver pour rénover les égouts et que ce n'est pas avec les 5 euros que vous allez y arriver...

Là encore le bas blesse au niveau de l'Europe, rénover des égouts, ce sont des investissements publics qui devraient être permis tout simplement, mais vous ne faites pas ce choix de sortir de ce carcan. 

c) Vous les persuadez en évoquant l'augmentation des tarifs de la STIB pour trouver là-dedans probablement de quoi financer la gratuité des moins de 25 ans et des plus de 65 ans. Merci de monter les gens les uns contre les autres, bravo. Un choix rationnel serait pourtant de faire contribuer les grandes entreprises qui génèrent tous ces déplacements. La moitié des recettes actuelles de la STIB proviennent déjà des abonnements payés par les employeurs. Généralisons un système domicile-travail payé par les grandes entreprises pour financer la gratuité pour toutes et tous. C'est bon pour le portefeuille des familles, c'est bon pour la planète, c'est bon pour le budget !

d) Vous les persuadez en imposant des travaux d'isolation à leurs frais, puisque je vous cite Mr Maron “Il faudra augmenter le soutien public. Même si on ne pourra pas tout prendre en charge”. Au lieu de mettre sur pied un système de tiers payant avec une banque publique pour permettre des travaux à grande échelle comme cela s’est fait en Allemagne. Pour permettre aux familles que des travaux d'isolation soient réalisés sans les mettre dans la difficulté.

e) vous les persuadez en éjectant 47 000 véhicules de la LEZ le 1er janvier prochain, sans offrir d'alternatives pour se déplacer... résultats ils seront condamnés à racheter une voiture, finalement ce sont les entreprises automobiles qui se régalent dans l'histoire. Vous n'allez en rien résoudre la mobilité et le climat de cette manière. Par contre vous comptez bien les 5 millions de recettes dans votre budget générés par les amendes. Cherchez-vous réellement à diminuer les voitures en ville ? On finit sérieusement par en douter…

f) Vous les persuadez aussi en voulant introduire une taxe km.

Mais à côté de ça, presque 13 millions sont prévus dans l'ajusté budgétaire 2019 pour les indemnités de départ des anciens parlementaires...

Les 10 000 euros par mois persuadent les 1800 euros par mois de payer la note pendant qu'eux gardent leurs privilèges bien au chaud!

Quatrièmement, les entourloupes budgétaires dont la neutralisation des investissements stratégiques. Mais qu’est-ce qui sort du périmètre finalement? Ce que l'Europe permet en fait : engraisser les multinationales avec des PPP comme pour les tunnels par exemple... Ca oui l'europe est en fait d’accord, mais quid des investissements dans le logement public ? Quid de la création d'emplois public de qualité ? Quid des augmentations salariales des ALR ? 

En parlant des PPP, Mr Maron vous dites aussi que si vous ne trouvez pas l'argent public on fera PPP pour le centre de biométhanisation « et ça coûtera plus cher de conclure ce PPP ». Mais si ça avait été votre argent vous auriez aussi dit cela ? Parce que là on parle de l'argent des familles qu'on va gaspiller tout ça parce que de nouveau vous acceptez ce cadre de l'Europe. 

Je terminerai donc par une citation de l'Abbé Pierre : « la politique c'est savoir à qui on prend l'argent pour le donner à qui ».

Vous choisissez de le prendre aux familles pour le donner aux grosses entreprises et aux gros investisseurs immobiliers ou remplir vos caisses trop vides. Ça, c'est VOTRE choix. Mais les gens en ont marre de toujours payer, ils en ont marre de toujours donner plus pendant que les gros investisseurs à qui vous faites des mamours continuelles, continuent eux d'opérer un hold up sur les budgets des familles. 

Comme l'a bien dit le Ministre Gatz il y a 15 jours, nous venons avec des propositions. Une série de propositions très raisonnables car elles ne coûtent rien, comme l'encadrement des loyers ou imposer du logement social via les charges d’urbanisme. Et une série de propositions qui font contribuer ceux qui ont réellement les moyens, les millions. 

Tout est là sur un plateau, c'est gratuit, ça ne plombe pas le budget, et au contraire ce sont des projets d'investissements qui rendent du pouvoir d'achat aux familles et qui rapporteront donc à l'avenir. 

Je cite encore une fois l'Abbé Pierre : « la  politique c'est savoir à qui on prend l'argent pour le donner à qui ».