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Menace de grève chez Sports Direct : « La direction nous a menti ! »

Menace de grève chez Sports Direct : « La direction nous a menti ! »

Les travailleurs de Sport Direct ont perdu 30% de leurs revenus pendant les deux mois de chômage économique. La direction leur avait promis une compensation financière. « Uniquement pour les travailleurs anglais », ont ensuite précisé les patrons. Aujourd’hui, c’est la colère qui anime les travailleurs de l’entreprise, pour qui les conditions de travail se sont détériorées depuis la réouverture de leurs magasins. Ils dénoncent un « coup de com’ » et sont bien décidés à ne pas en rester là.

Les trois syndicats ont déposé un préavis de grève en front commun pour exiger un complément de revenu et plus de personnel en magasin. Un travailleur témoigne.

Comme beaucoup de travailleurs, vous avez été mis en chômage temporaire pendant les premières phases du confinement. Comment l’avez-vous vécu ?

C’était vraiment dur pour nous. Pendant cette période, nous ne touchions plus que 70% de notre salaire qui est déjà très bas en temps normal. C’était particulièrement difficile pour les collègues qui ont des familles. Nous étions donc impatients de reprendre le travail mais nous restions dans le flou, les e-mails des ressources humaines n’atteignaient pas tous les travailleurs. Alors entre collègues, nous avons créé des groupes WhatsApp pour faire circuler les informations qui nous parvenaient de la direction et des syndicats et pour nous entraider avec la paperasse administrative liée au chômage temporaire.

Sports Direct a annoncé qu’un complément d’entreprise serait octroyé à tout le personnel. Qu’en est-il ?

Pour nous, il n’en est rien. J’ai vraiment le sentiment que cette annonce était un coup de com’, une façon de montrer l’entreprise sous un beau visage. Or, ce complément de revenu sera accordé uniquement aux collègues anglais. En Belgique, nous n’aurons rien, même pas un bon d’achat dans notre propre magasin ! Selon les patrons, le chômage belge serait suffisant… Mais vivre avec 70 % d’un petit salaire, c’est pas évident. Pendant des années, on a permis à l’entreprise de faire des bénéfices [voir encadré]. Et maintenant que les travailleurs sont en difficultés, on a la sensation d’être laissés de côté. On veut que Sports Direct tienne ses promesses envers les travailleurs belges aussi et nous octroie une compensation financière de 500€ pour un temps plein. Nous comptons bien les obtenir. Nous avons déposé un préavis de grève.

Depuis le 10 mai, les magasins ont rouvert leurs portes. Comment s’est passée cette reprise ?

Notre travail a changé depuis la réouverture. Plusieurs mesures de sécurité ont été prises. Nous travaillons notamment avec des masques et des gants toute la journée. C’est important pour la sécurité de tous, mais ça rend le travail plus pénible. Nous avons chaud, nous avons du mal à respirer, nous transpirons… Nous faisons le maximum pour nous adapter. Mais honnêtement, toutes les mesures ne sont pas respectées. La distanciation d’1,5m est quasi impossible à mettre en œuvre. L’agent de sécurité est désormais chargé de gérer le flux des clients dans le magasin, de faire respecter le parcours qui a été mis en place et gérer les conflits entre clients et vendeurs, tout ça, en plus de ses tâches habituelles. Évidemment, c’est impossible à gérer.

Vous dites qu’il y a des conflits. Y en a-t-il plus que d’habitude ?Évolution du chiffre d'affaire de Sports Direct au niveau mondial

Clairement, oui. C’est normal, les beaux jours sont là alors dès la réouverture, les clients sont venus en masse pour acheter des vélos, du matériel de jogging… Or, au lieu de prévoir plus de personnel pour faire face à cet afflux, la direction a décidé de limiter les intérimaires et les étudiants pour faire des économies. Du coup, on doit abattre beaucoup plus de travail avec moins de travailleurs. Pour nous motiver à travailler plus, la direction n’arrête pas de nous répéter : « vous devez être solidaires entre vous ». Mais il ne s’agit pas de manque de solidarité mais de manque de personnel ! On travaille vraiment sous tension et on ne peut plus consacrer le temps nécessaire aux clients. En plus, Sports Direct semble aussi vouloir renflouer ses caisses sur le dos des clients. Les prix de certains articles ont augmenté. Mais les clients ne sont pas dupes ! Beaucoup d’entre eux sont venus en repérage avant le confinement et ne comprennent pas pourquoi les prix se sont envolés depuis. Évidemment, nous nous ne sommes pas d’accord avec cette augmentation et on comprend que les clients ne soient pas contents. Mais en attendant, c’est à nous de gérer leur mécontentement. La moindre des choses est d’avoir une compensation financière maintenant qu’on retourne au travail dans ces conditions.

Youssef Handichi, député PTB : « Le patron de Sports Direct, Mike Ashley, est l’une des plus grandes fortunes mondiales... et l’un des pires employeurs. En Angleterre, il a souvent été épinglé pour les conditions de travail désastreuses qu’il impose : pressions, menaces, retenue sur salaire au moindre retard… C’est comme ça qu’il a bâti sa fortune. En dix ans, Sports Direct a plus que doublé ses revenus, culminant à 3,7 milliards en 2019. En Belgique, ils ont fait 1,4 milliards de bénéfices sur cinq ans. Tout cet argent doit servir à revaloriser les salaires des travailleurs. Après tout, c’est eux qui ont produit cette richesse. »